Les belles histoires d’hommes et de chevaux : Yves Chauvin et le haras de Numénor
Retour sur cette formidable histoire d’amitié et de sport.
On ne présente plus Yvon Chauvin et son affixe, l’élevage Courcelle en Saône et Loire. Personnage haut en couleurs, propriétaire d’un des plus grands élevages de France, ex président du Stud Book Selle Français, puis de la SHF, sans compter tous les autres mandats associatifs qu’il a accomplis.Â
Yvon a basé son élevage sur plusieurs grandes souches maternelles (convaincu dès le début que c’est par les bonnes mères que tout commence) et notamment sur une jument née chez Victor Genoux de Lent : Java de la Croix (par Mersbourg, lui-même frère utérin du chef de race Ibrahim). Tous ceux de cette génération qui ont connu Java de la Croix se rappellent qu’elle avait gagné en son temps le championnat de France des 3 ans à Paris et n’ont pas oublié son tempérament. À l’époque toute cette souche issue de Trottinette tournait en 150/160. Â
Yvon l’avait achetée pleine de Laeken. Naîtra une pouliche, Beurdie Courcelle la mère d’un certain Hiram Chambertin (père du crack mondial Prêt à Tout), Cacao Courcelle et Valse de la Croix, (mère de Sapphire VDL) et de Dira Courcelle, (mère de 3 cracks, Malito de Rêve, Hermès de Rêve et Pacino, performants sur 1m60) ! Voyant toute la qualité de cette souche, Yvon a aussi acheté la propre sœur de Java, Pinope de la Croix. Celle-ci lui a produit la grande Auseille Courcelle qui elle-même lui a offert, entre autres, une pouliche Nirvana Courcelle qui croisée à Lamm de Fétan a fait naître Bourgeoise Courcelle, la mère de Java’s Queen.
Voilà pour le pedigree, un papier en or.
De son côté Julien Blot, jeune Bourguignon passionné de chevaux et ingénieur spécialisé en insémination bovine reprend avec sa compagne, Marine Barlet le haras de Châtenay pour le compte de Gènes Diffusion. La Lentaise baigne dans les chevaux depuis sa plus tendre enfance et fait des études équines en alternance chez Guy Martin. L’expérience chatenoise tourne court ; c’est alors qu’ils prennent la décision de voler de leurs propres ailes en fondant leur propre centre d’insémination à Lent, le Haras Numénor. En 2017, ils rencontrent Yvon qui leur amène des juments à l’insémination, désireux qu’il est de faire travailler des jeunes. La sympathie s’installe rapidement, si bien que Yvon les invite à visiter son élevage. Une journée entière entre passionnés à échanger, comparer et écouter leur hôte leur délivrer toute sa connaissance et ses convictions (et il en a, le bougre). Débute une nouvelle amitié. Julien a ces mots : « On m’avait souvent dit qu’en élevage, il y avait des rencontres qui vous changeaient la vie et qu’il ne fallait pas passer à côté. A ce moment-là c’était juste un bon moment avec une personne passionnante et sympathique, je n’en ai pas mesuré l’importance ».Â
Yvon, lui, est séduit par ces deux jeunes qui n’ont pas peur de s’investir, qui sont déterminés et courageux. Et puis Marine est du village de Monsieur Genoux, ami de son propre grand-père. En tant qu’éleveur, il n’a plus rien à prouver, mais parrainer et booster ses nouveaux amis le titille.
Marine nous raconte que, un matin de cette année, Yvon vient faire inséminer une jument et quand il ouvre son camion, elles sont deux à l’intérieur : la jument et Bourgeoise. Le plus naturellement du monde il leur annonce : « Je l’avais chargée pour que la jument ne soit pas seule, mais en chemin j’ai décidé de vous la donner. Elle est à vous ». Passés la surprise et les remerciements, Julien et Marine n’ayant pas prévu cette arrivée s’occupent de la loger et réfléchissent au croisement idoine pour cette dame. Et justement Balou Star (Balou du Rouet x Quick Star) est le nouvel étalon vedette de leur catalogue et ses caractéristiques concordent parfaitement avec la belle. Hélas, la saison est déjà avancée et ça ne marche pas, Bourgeoise reste vide.
Mais les deux jeunes ont de la suite dans les idées et refont le même choix en 2018. Et cette fois bingo, Bourgeoise est pleine du premier coup.Â
C’est en 2019 que la future championne naît, belle pouliche avec du sang, du chic, de la taille, de l’équilibre et de magnifiques allures. Même si on ne sait jamais ce que deviendra un poulain, ils sentent déjà qu’ils ont une pépite dans leurs prés. La suite, nous la connaissons et l’amitié entre les trois s’est encore solidifiée depuis ce sacre. Les uns reconnaissants de ce magnifique et improbable cadeau, l’autre fier de sa souche bien évidement mais surtout de ces deux filleuls sur qui il a misé et qui ont dépassé toutes ses espérances. Â
Offrir une poulinière en effet c’est rare ; qu’elle vous fasse une championne de France, c’est unique. Dans la vie on nomme ça une offrande, au foot une passe décisive et dans le monde équestre, le pied à l’étrier.
Merci Yvon, de la part de Marine et Julien bien sûr mais aussi de notre part à nous tous. C’est une BELLE HISTOIRE (une très belle histoire) mais surtout ça nous fait à tous du bien. Ça réchauffe notre cœur et nos âmes, ça nous remplit d’optimisme de savoir que sur cette terre, malgré tout ce que nous traversons depuis un long moment, il y a des actes de générosité, d’altruisme que seuls des hommes de grande qualité sont capables d’accomplir.
Et bonne route à la fusée Numénor que tu as aidés à faire décoller.
Pierre Cogne
Vous devez être membre pour ajouter des commentaires. Devenez membre ou connectez-vous