Pas de pied, pas de cheval


La passion, c’est en effet ce qui ressort tout de suite après quelques instants de conversation. Les maréchaux présents se réclamaient de la tradition du ferrage « à la Française », née sous Napoléon 1er et perpétuée de nos jours par exemple à la Garde Républicaine. Attention, la différence avec le ferrage « à l’Anglaise » ne se résume pas à la présence ou non d’un aide pour tenir le pied. En fait, il s’agit surtout d’une différence de méthode, la technique « française » reposant sur l’allongement du métal. « La maréchalerie française est une tradition verrouillée techniquement et philosophiquement depuis Napoléon Ier en 1820. En fait c’est une normalisation de plusieurs courants et l’école militaire de Saumur a institué les techniques pratiquées par les maîtres. En France, les sols étant plus durs, les fers étaient plus larges, plus épais pour éviter les blessures. La maréchalerie anglaise aboutit à des fers plus fins et plus dégagés puisque les terrains sont plus meubles. Il y a beaucoup de finitions à la lime et à la râpe », explique Jean-François Techer. Ici, pas de fers mécaniques manufacturés industriellement : on part d’une bande de métal, chauffée dans la forge entre 800 et 1 300 degrés afin de la façonner pour lui donner exactement la forme qui s’adaptera parfaitement au pied du cheval. Viendront ensuite les étapes de l’étampage, du poinçon et de l’ajusture, avant de couronner le travail par le « fil d’argent ». C’est une technique qui demande une extrême rigueur, tout d’abord bien sûr dans l’observation méticuleuse des pieds du cheval, de ses aplombs et de sa façon de se déplacer, puis dans la réalisation du fer sur mesure.

Les parcours des apprentis présents, et en lice pour le concours étaient variés : Joël, 16 ans, a découvert le métier un peu par hasard à 14 ans lors de son stage de 3e chez un professionnel, chez qui il est revenu ensuite comme apprenti. La filière « classique » est l’obtention d’un CAP dans un lycée agricole, à la suite de 2 années de formation alternant modules d’enseignement général, modules professionnels et stages. Cette formation peut se poursuivre vers un BTM (brevet technique des métiers) qui permet à des maréchaux-ferrants titulaires d’un diplôme de niveau V de se perfectionner notamment sur le travail du métal et les ferrures spéciales. Il est composé de 6 unités de certification correspondant aux activités principales du maréchal ferrant. 3 unités relèvent des compétences liées à la production, 3 unités relèvent des compétences de gestion (de production, financière et des ressources humaines).

Mais au-delà de cette formation « scolaire », ce qui frappait à Bourg, c’était la qualité des échanges entre tous les participants, l’intérêt des jeunes pour le travail qu’on leur proposait et le modèle qu’on leur donnait. Extraordinaire de voir un garçon de 17 ans s’extasier sur la qualité d’un pinçon ou d’une mortaise !

Deux journées d’épreuves et de démonstrations, dont le ferrage d’un Shire, toisant plus d’1,80m et une séance de forge à 3 marteaux, très spectaculaire, et typique de la maréchalerie française : « C’est propre à la technique française car on forge de gros fers. Pour que le fer reste bien chaud et qu’on puisse le travailler, il faut répéter les coups de marteau de manière répétée et en cadence. C’est le fait de frapper qui tient le fer en chaleur. C’est très spécifique à la France et les autres pays nous jalousent cette tradition ! » explique encore Jean-François Techer. Au terme de la dernière épreuve, qui consistait en la reproduction la plus fidèle possible, au millimètre près, d’un fer proposé en modèle, les juges, 2 Meilleurs Ouvriers de France, en la personne de David Rossi, venu de Normandie et Jean-François Techer de Haute-Loire, ont accordé la victoire à une toute jeune femme : Charline Nolot, âgée de 24 ans, mais qui était déjà sortie major de sa promotion lors de l’obtention de son BTM.

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