Sentiment d’éleveuse
Difficile de ne pas céder à la morosité ambiante ! Même avec un optimisme à toute épreuve et malgré le rêve qui renaît chaque printemps, l'éleveur ne sait plus à quel saint se vouer. Coincé entre la nécessaire, mais douloureuse, restructuration du monde de l'élevage, les marchés largement ouverts à la concurrence et l'apparente désinvolture dont semblent faire preuve les ministères de tutelle à l'égard de l'élevage équin, il est mis à mal sans compensation d'aucune sorte.
La complexité de cette situation réside en partie dans le fait que l'élevage, en grande majorité, est aux mains d'amateurs plus ou moins aisés qui se font plaisir. Le monde de l'élevage est irrationnel, entend-on dire ici et là , mais si la passion ne connaît de limites que celles que le cœur lui impose, les éleveurs pourraient bien, un jour prochain, arrêter de rêver.
Il semble pourtant qu'une grande majorité de ces professionnels de l'étalonnage aient fait l'effort de maintenir des tarifs à un niveau raisonnable et exercent leur activité en toute honnêteté. Il reste que des efforts sont encore à faire en matière de transparence. En ce qui concerne les « frais techniques » notamment dont on sait, en réalité, peu de chose, ni même ce qu'ils englobent réellement. Comment expliquer, par exemple, les disparités entre haras ? Mais c'est surtout à la généralisation du paiement au poulain vivant, sans surcoût, qu'il conviendrait de s'intéresser car il est bien peu de domaines où l'on paie un an à l'avance un produit que l'on aura peut-être. Certains étalonniers, et non des moindres, en ont bien saisi l'importance. Voilà deux points qui concernent tous les éleveurs.
En revanche, si l'on considère que les professionnels de l'élevage, y compris les pluriactifs relevant du régime MSA, doivent pouvoir vivre de leur métier, c'est à la politique agricole commune (PAC) qu'il faut s'intéresser de toute urgence. Dans moins d'un an, les ministres de l'agriculture des différents pays de la zone euro se retrouveront à Bruxelles pour renégocier le contenu de cette PAC. S'il est maintenant acquis que les activités équestres relèvent du domaine agricole, l'espèce équine (tous chevaux de sang et de trait confondus) n'est toujours pas prise en compte par Bruxelles puisque l'État français ne tient pas compte des équins dans sa politique agricole nationale. C'est pourtant le point de départ de la conditionnalité des aides agricoles et l'enjeu est de taille car il porte en lui une partie des réponses aux problèmes de l'élevage équin. Même s'il paraît utopique de penser pouvoir réguler le marché du cheval de sport par le biais de la PAC, son impact sur la production équine serait sans égal. Il permettrait notamment l'accès au plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE), soutient vital pour notre activité, mais pourrait également améliorer la rentabilité de nos entreprises par l'accès à des aides liées à la production, comme dans les filières ovines et bovines. De cette façon, les professionnels réduiraient leurs coûts de production, ce qui autoriserait, si ce n'est une réduction des prix de vente, du moins le dégagement d'un bénéfice sur les ventes des produits d'élevage et pérenniserait une activité aujourd'hui en souffrance. Pour cela, les professionnels du secteur, éleveurs et étalonniers confondus, vont devoir rapidement se mobiliser au niveau national et se faire entendre par la voix de leurs représentants car les dossiers, pour être recevables, doivent être déposés à l'automne 2012 auprès du ministère. Rappelons qu'actuellement, seules sont accessibles au niveau national des aides liées à la surface fourragère comme la prime herbagère agro-environnementale (PHAE), l'indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) pour les exploitations situées en zone défavorisée et les droits à paiement unique (DPU) pour ceux qui peuvent y prétendre.
Plus près de nous, la station France-haras d'Orléat (63) va, sous peu, faire l'objet d'un appel à candidatures pour sa reprise. Quatre dossiers sérieux sont d'ores et déjà constitués ce qui nous laisse espérer un heureux dénouement et le maintien des emplois concernés.
A l'image de Martin Luther King, à Washinton il y a près de 49 ans, « I have a dream », celui que chacun fasse ce qu'il fait le mieux, les éleveurs élèvent, les marchands vendent et les cavaliers montent.
Un jour peut-être...
Sarah Marteau
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