Louis Bouhana, le cavalier Qlandestin

Au milieu de cette armada, un couple incarne parfaitement ce que la Bretagne peut avoir de richesses.

Lui s’appelle Louis Bouhana, 32 ans, et sa monture Qlandestin SAS, 9 ans. 

Ce jeune couple détonne par sa fraîcheur et sa motivation au milieu des figures habituelles du circuit. Indicé 153 à l’âge de 6 ans, finaliste du Championnat des 7 ans à Fontainebleau (en tête avant la Finale !), vainqueur de la Consolante au Championnat du Monde des 7 ans de Lanaken, Qlandestin et Louis ont abordé le niveau GP Pro1 en même temps l’an passé.

2012 fut donc une année d’adaptation et de transition. Louis avoue humblement « avoir eu besoin de temps pour me mettre dans le bain ». Néanmoins barragiste de son premier test grandeur nature au Grand National à Deauville, 11^e; 5^e du GP 1,50 m de Montfort, 7^e du GP 1,50 m de Rennes La Prévalaye, le couple affiche des statistiques de régularité et de réussite à faire pâlir d’envie.

La saison 2013 recommence sur le même tempo d’enfer avec 6 classements sur 7 parcours dont cette magnifique 4^e place (double sans-faute) à Auvers devant le très expérimenté gratin français (Angot, Leprévost, Delaveau, Anciaume…); et deux victoires, une 2^e et une 3^e place sur 1,40 m au Mans. 

Poneys : à bonne école

Mis à cheval à l’âge de 4 ans, Louis montera jusque tard à poney. Le club de Kerguelen Equitation verra ses premiers pas en compétition, qu’il pratiquera jusqu’à l’âge de 18 ans au niveau D1 et avec « déjà beaucoup de talent et de très très bons résultats » confiera Christophe Le Garrec, une des personnes déterminantes de son parcours.

Sa monitrice de l’époque est une ancienne groom d’Hervé Godignon, et Louis décide donc d’appeler le médaillé de bronze des JO de Barcelone, au culot, pour décrocher une place. Fort de son expérience réussie à poneys, Louis part avec « l’impression de savoir bien monter » et la transition sera bien réelle. Il passera 2 ans dans l’écurie du Francilien, qui restent un bon souvenir : « Hervé était très fort et un excellent pédagogue qui s’est très bien occupé de moi. Le piquet, essentiellement des montures d’âge, était composé de bons chevaux, bien dressés, ce qui est très appréciable, et Hervé m’en a rapidement confié en concours : je me suis ainsi retrouvé avec jusqu’à 3 chevaux dans les GP Pro 2 » se souvient le Morbihannais.

Avec le recul, Louis estime qu’il était peut être un peu jeune pour profiter pleinement de cet enseignement; et aurait préféré l’aborder plus mûr, en ayant fait l’expérience d’une autre écurie avant, avec plus de vécu et de rigueur. Il concède néanmoins que dans son équitation « tout vient de là ».

Christophe Le Garrec, son mentor

Après un détour en Suisse, notamment chez les propriétaires du fameux poney Machno Carwyn, puis une période transitoire à Saumur, Louis revient en Bretagne chez le bien connu Christophe Le Garrec, un des meilleurs représentants bretons au niveau national. 

Il y fait l’apprentissage des jeunes chevaux à proprement parler, Christophe lui confiant beaucoup les siens, puis ceux de ses propriétaires. Il y restera moins d’un an, mais cela reste une période forte (humainement parlant notamment) où il découvre le fonctionnement et la gestion d’une écurie « normale » et non de haut niveau, avec une équipe de propriétaires et cavaliers jeunes et moins jeunes très soudée. 

Après une coupure et un arrêt de l’équitation, Louis trouve un arrangement avec Erwan Robin, fameux éleveur sous l’affixe « de Fetan » dans le Morbihan, naisseur du crack Lamm de Fetan, chez qui il occupe quelques boxes. Sa clientèle se développant et encouragé par Christophe Le Garrec qui l’a « toujours poussé vers le haut, et à s’installer », Louis saisit l’occasion d’une ferme laitière mise en vente qu’il réaménage en 2009 avec boxes, carrière de 80 x 55 m, grands paddocks, située à Languidic non loin de Lorient.

Il y travaille une petite dizaine de chevaux (6 jeunes de 4 à 6 ans et 6 chevaux d’âge) avec l’aide d’une salariée et de son amie, en formation pour l’instructorat à l’ENE. 

Les chevaux les plus âgés sont des « P » qu’il a lui-même débourrés !

Né chez Gérad Le Fournour

Au rang des propriétaires fidèles, Gérard Le Fournour (Elevage de Gerdi) tient bien sûr une place particulière. Rencontré par l’intermédiaire de Christophe Le Garrec, encore une fois décisif, il est le naisseur de Qlandestin et a toujours aidé et soutenu Louis, même durant son arrêt de l’équitation. A ses côtés, ses parents sont également très présents, avec qui il achète et revend certains chevaux.

Qlandestin SAS mérite qu’on lui consacre un paragraphe à part entière. Selle Français pur souche, fils d’Elan de la Cour et de Kilia de Gerdi par Arpège Pierreville, grand blond très sensible, c’est un cheval atypique qui a toujours sauté avec son style mais en faisant invariablement du sans-faute. 8/9 à 4 ans; 23 fois sorti à 5 ans, 18 fois sans faute; 3 victoires en 6 ans A, deux fois 2^e et deux fois 3^e, finaliste à Fontainebleau et Lanaken, Qlandestin a passé tous les caps qui se présentaient à lui, au fur et à mesure, et est encore loin de ses limites selon son cavalier : « il pourrait sauter bien plus gros que cela ». 

Interrogé sur sa manière d’aborder sans complexe les plus grosses épreuves, Louis met sa détermination sur le compte de l’entière confiance qu’il place en son cheval, et son côté très « concours ». Il reconnaît également que sa sérénité est due au fait que le cheval appartient à ses parents, ce qui lui offre la chance très appréciable de monter ses parcours sans pression.

De l’autre côté de la barrière, Christophe Le Garrec ne tarit pas d’éloge sur le « très bon sens du rythme et du tracé » de son ancien pilote.

Louis travaille seul en règle générale, mais a pu bénéficier, chez Bruno Rocuet, de séances qui l’ont aidé à franchir un palier avec le cheval, conseils qu’il aimerait renouveler mais pour lesquels il manque de temps !

Louis Bouhana reflète bien le dynamisme et le renouveau de la jeune garde bretonne, à l’image des Yannick Gaillot (victorieux du Pro 1 de Ste Mère L’Eglise l’an passé), Marc Le Berre, Vincent Pryen, tous jeunes installés et tirés vers le haut par les conseils, l’expérience et le modèle de « l’ancienne » génération des Christophe Le Garrec, Jean Le Monze ou Loïc Gloaguen. 

« Le niveau de l’équitation en Bretagne est dû en grande partie à la qualité de chevaux qu’on a ici » explique Louis Bouhana, qui se félicite de l’intelligence des croisements des éleveurs bretons.

Soutenu par la Fedeb

L’année 2013 devrait être axée sur la participation à d’autres étapes du Grand National, et quelques CSI** et ***, même s’il sait qu’il ne gardera pas le cheval éternellement car Qlandestin est à vendre. 

Le couple, accompagné de son coéquipier Frédéric Couenne (cavalier des Côtes d’Armor) pourrait porter sur les prochaines étapes du circuit les couleurs de la Fedeb, la Fédération des éleveurs de chevaux de sport de Bretagne.

Ce serait une première qu’une association régionale d’éleveurs s’engage ainsi auprès de ses cavaliers, mais ce n’est pas un hasard que la Bretagne soit leader dans ce domaine tant le partenariat sport et élevage fonctionne avec succès dans cette région. Jean-Pierre Texier, Président de la Fedeb, s’explique sur ce soutien au team Ecurie Louis Bouhana/Couenne (Nutréa) : « Qlandestin SAS est un cheval né en Bretagne de pure souche bretonne et Paola du Terroir (Diamant de Semilly x Laudanum) est l’illustration de la génétique d’excellence auxquels les Bretons sont particulièrement sensibles. La jument reproduit d’ailleurs en Bretagne ».

E. L.-G.