Les sarcoïdes
Très fréquents chez les chevaux, les sarcoïdes sont une affection particulière qu’il convient de traiter avec douceur et rigueur.

Elle n’a pas une cause, mais des causes qui vont ensemble donner une sarcoïde qualifiée selon les cas de verruqueuse, d’occulte, de nodulaire, de fibroblastique ou de maligne (NB : même si on le trouve très souvent au masculin, selon le Petit Larousse, sarcoïde est bien un nom féminin).

Ces diverses appellations ne sont que des variantes d’un même phénomène pris à des stades différents.

La forme occulte est souvent la première à se manifester. Discrète, elle consiste en une zone alopécique (sans poils) avec une peau un peu plus épaisse. Elle est très stable et peut, à ce stade, évoluer spontanément vers la guérison.

Elle peut se munir de petits nodules plus ou moins nombreux ou se dessécher. On passe alors à une sarcoïde nodulaire ou verruqueuse. Là encore, la guérison spontanée est possible. Mais à la moindre irritation cutanée ou faiblesse du cheval, l’évolution de la sarcoïde est inévitable.

La sarcoïde se fend, se détache plus ou moins et prend de l’importance. Le résultat est saignant, bourgeonnant... la sarcoïde est dite fibroblastique.

En cas de traumatisme ou d’atteinte, la sarcoïde devient plus dangereuse encore, elle envahit le corps de l’équidé en profondeur... c’est la sarcoïde maligne.

Toutes ces sarcoïdes ont une seule origine et ce sont les interventions, les traumatismes et les agressions qui en génèrent l’évolution.

Selon la théorie la plus largement répandue, c’est le résultat d’une accumulation de « petits détails »...

Tout commence avec un équidé sensible génétiquement aux sarcoïdes... héritage des parents ou hasard génétique. Cet équidé vit normalement et accumule de nombreux petits bobos sans importance. Toutes ces petites plaies sont visitées par des mouches qui transportent un virus du type Papillomavirus bovin. Elles vont, en passant sur les petites plaies, déposer le virus qui va profiter de ces effractions pour pénétrer dans la peau de l’équidé.

Ce virus ne peut pas se « reproduire » dans les cellules de l’équidé mais il va, grâce à la sensibilité génétique de l’équidé, influencer leur développement.

Les cellules infectées vont alors se développer de façon anarchique et finir par mourir. Leurs descendantes font de même. La sarcoïde occulte se forme.

L’histoire pourrait s’arrêter là ... le corps du cheval lutte, détruit les cellules invasives. La plaie cicatrise et tout va bien.

Mais si la sarcoïde est blessée, que les cellules mortes éclatent suite à un traumatisme, une intervention humaine, l’action d’un produit... les morceaux du virus sont à nouveau libérés, les mouches peuvent à nouveau l’emmener sur leurs pattes et d’autres cellules sont contaminées.

La sarcoïde est « réactivée » et évolue d’autant plus vite que la quantité de virus est importante. Au fur et à mesure, l’organisme ne contrôle plus la situation.

Les mouches passent d’un cheval à l’autre et en cas de plaie, leurs pattes infectent d’autres chevaux avec d’autant plus de virulence que les sarcoïdes du premier équidé sont évolués.

La suite dépend du deuxième équidé... soit il est génétiquement sensible, soit il ne l’est pas... mais cela dépend aussi des conditions : plus la cicatrisation est longue, plus les mouches pourront poser leurs pattes sur les plaies, plus le risque sera important.

La prévention des sarcoïdes équins repose donc sur plusieurs principes.

Tout d’abord, il faut soigner les sarcoïdes en privilégiant leur évolution vers des stades non saignants pour éviter la dissémination du virus. Il faut aussi lutter activement contre tout contact avec les mouches à l’aide de répulsifs ou de façon mécanique (pansement).

La plupart des sarcoïdes ne sont pas douloureuses et ne démangent pas... il est important de maintenir cet état ou d’y tendre au maximum et d’éviter que l’équidé ne se blesse à ce niveau.

Vous devez porter des gants lors des soins et veiller à ne pas être vous-même un vecteur du virus. Les produits de soin, les gants et l’ensemble des affaires souillées par la sarcoïde devront être placés à l’abri des mouches et ne pas entrer en contact avec les équidés. Pensez à bien vous laver les mains et à attacher vos cheveux.

Si vous utilisez une crème, veillez à ne pas souiller le reste du produit. Méfiez-vous également des flacons de produit que vous devrez manipuler uniquement avec des mains ou des gants propres.

Réservez le matériel de pansage ou d’équitation à l’équidé concerné et placez-le à distance du matériel des autres.

Le virus ne tient pas longtemps en l’absence de support biologique (sang, liquide physiologique, morceau de peau...) mais il est préférable que l’équidé atteint ne possède pas de « grattoir », de jouet ou de seau commun avec les autres équidés.

Toutes les plaies, mêmes infimes, doivent être soignées de façon à limiter le temps de cicatrisation. Les antibiotiques sont inefficaces vis-à -vis du virus. Les antiseptiques ne sont pas non plus une protection efficace. Par contre, les protections mécaniques (pansement) ou les répulsifs protègent des insectes et donc du virus de façon efficace.

Il n’est pas souhaitable d’isoler l’équidé atteint car les sarcoïdes sont à évolution lente et à rémission tout aussi lente... néanmoins, les équidés blessés ne devraient pas être en contact direct avec ceux-ci jusqu’à la formation d’un tissu cicatriciel sain.



Le traitement



Les sarcoïdes sont parfois gênants et souvent inesthétiques. Les techniques de soins coûteuses, l’abondance de produits plus ou moins miracles et de croyances, poussent les propriétaires au doute ou aux solutions extravagantes.

Aux stades occultes, les propriétaires ignorent souvent le problème ou le traitent comme une dermatite (ce qui entraîne son évolution). C’est aux stades verruqueux ou nodulaire que les premières interventions sont le plus souvent tentées. On a alors un problème essentiellement esthétique et dans de rares cas, une gêne mécanique.

Élastiques, chirurgie, cryothérapie, huiles essentielles, pommades miracles... A chaque intervention, on espère le meilleur mais on obtient souvent pire.

La caractéristique de la sarcoïde répond au proverbe « ce qui ne la tue pas, la rend plus forte ». Toute intervention génère des ruptures, des fissures, des effractions cutanées... ce qui provoque une extension du virus contenu dans la sarcoïde voire une contagion à d’autres zones. C’est alors que les probabilités, la résistance de votre équidé et l’environnement jouent.

En effet, quelle que soit la méthode de traitement choisie, il restera toujours un peu de la sarcoïde. La sarcoïde n’est pas une tumeur bien délimitée, car au-delà des cellules, c’est leur contenu qui est « infectieux ».

La plupart des traitements reposent sur le principe de la destruction des cellules tumorales donc sur la libération de leur contenu. En détruisant les cellules, on infecte la zone que l’on vient de faire « propre » de notre point de vue.

De plus, chaque cellule contient ce qu’il faut pour en infester beaucoup d’autres qu’elle libère quand elle explose... ce qui explique que les récidives sont souvent beaucoup plus agressives que la sarcoïde de base. D’une cellule détruite, on « fabrique » pleins d’autres cellules tumorales bien actives.

Les méthodes de traitement les plus efficaces sont donc les méthodes qui entraînent un enlèvement propre et complet des zones atteintes sans les endommager.

Mais cet aspect est contrebalancé par le fait que cette masse enlevée laisse souvent une plaie qui peut être potentiellement réinfectée par le virus et générer une nouvelle sarcoïde.

Il n’y a donc pas de traitement miracle de la sarcoïde. Tous les traitements plafonnent au mieux à 80 % de réussite et ne peuvent sans une intervention aussi rigoureuse que précise du propriétaire n’être voués qu’à l’échec.

Il est donc important dans un premier temps que le propriétaire définisse ses priorités.

L’intervention sur une sarcoïde stable peut générer son évolution. En l’absence de gêne effective ou de problème esthétique flagrant, l’absence d’intervention est donc une preuve de sagesse. On vous conseillera parfois une histologie ou un raclage cutané pour un diagnostic de certitude... sachez que cette intervention génère régulièrement l’évolution de la sarcoïde.

L’application de mesures de prévention du développement de la sarcoïde ou de la contamination des autres plaies devra faire partie du quotidien. Dans certains cas, ces mesures aboutiront à la rémission totale de l’équidé.

A partir du moment où la sarcoïde est au stade fibroblastique, il est préférable d’intervenir sans attendre sa prise en masse. Plus la sarcoïde est de taille réduite, plus la zone à traiter sera restreinte, plus les chances de guérison seront élevées.

Le choix de la technique repose sur une bonne collaboration entre le propriétaire et le vétérinaire traitant. L’intervention devra être complète et le protocole scrupuleusement suivi. Les mesures de protection devront être maintenues et toute évolution défavorable devra être rapidement rectifiée. Il est important de ne pas « traiter au hasard » et de savoir quelle évolution est considérée comme « normale » selon le traitement afin d’agir promptement si celle-ci dérive.

Il ne faut pas se décourager. Le traitement d’une sarcoïde est long, coûteux, douloureux, les récidives sont fréquentes et il est rarement unique. Une fois commencé, le traitement ne devra s’arrêter que lorsqu’une peau saine sera visible. Sinon la réponse de la sarcoïde serait alors une croissance démesurée, maligne et donc dangereuse pour l’équidé. Je vous recommande de noter les différents traitements exécutés, les dates et les résultats (si possible sous forme de photos) afin de permettre un suivi raisonné de la situation de l’animal.

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