Parlons cheval à l’ENE
Autour de Laurence Bougault , de Patrice Franchet d’Esperey, de Bernard Maurel avec Yves Grange comme modérateur, l’IFCE de Saumur a organisé le 16 mai un colloque sur le thème de « Vocabulaire équestre, ambiguïtés sémantiques et mises en pratiques » pour démontrer que, même si le problème a toujours existé, il est de plus en difficile de mettre les mêmes réalités sous les termes équestres.
En partant des lectures successives - parfois contradictoires - qui ont été faites de Xénophon et de son antique Art Equestre, Alexandre Blaineau a insisté sur la complexité pour un traducteur éloigné dans le temps comme on l’est à partir du XVII et XVIIIe de l’Antiquité de Xénophon à mettre en mots des techniques et des concepts dont la connaissance échappe en partie aux Modernes. La communication de Jean-Marie Sarpoulet a été lue par Patrice Franchet d’Esperey. L’objectif a été de souligner un climax chronologique : lorsque Grisone est traduit en français, on commence à « penser » l’équitation en français. Dès lors, de nouveaux sens peuvent se développer. Enfin, le colonel Paolo Angioni a travaillé sur les différences que l’on trouve entre traduction et version originale : il a analysé les écrits de Bernard du Poy-Montclar.
Avec Albina Kunikeeva et Daniel S. Larangé, la réflexion s’est portée sur l’analyse de l’influence de la Haute-Ecole française en Russie. En considérant l’utilisation des mots et modèles français par Alexandre Nevzorov qui a écrit un ouvrage de référence publié en 2005, les exégètes ont relevé, pour gloser sur sa pensée, le retour fréquent de certains termes dans les domaines de l’anatomie et du dressage du cheval. Kristan von Stetten est partie d’un topos : deux cultures équestres cohabitent - avec parfois quelques difficultés - celle de l’équitation germanique face à l’équitation française. Partant du principe que dans la technique de la traduction, il existe des implicites, il a évoqué les difficultés à passer d’une langue à l’autre - voire les doutes sur les possibilités à transmettre des notions que chaque approche n’a pas forcément théorisées (la rigueur teutonne ou la revendication tricolore de la légèreté par exemple). Laurence Bougault a quant à elle retravaillé la notion d’« équilibre » aux XIX et XXe siècle. Elle a insisté sur les modulations connues par ce vocable dans la période moderne, pour montrer, avec peut-être un peu d’ironie que l’ « équilibre », au final, reste encore instable dans son évolution. Dans un dernier temps, Corinne Delhay est revenue sur l’« impulsion » dont on entend aujourd’hui beaucoup parler. Elle a rappelé que souvent, on l’ associe à « propulsion », « acticité », « flexibilité » ou « cadence » puis a retracé, de l’époque classique à nos jours, les évolutions de ce terme-clé d’ « impulsion ». Le but était aussi de mener une étude comparative sur le sémantisme premier du terme et d’essayer de lever des malentendus.
Ces réflexions du 16 mai, dans l’un des hauts lieux de l’équitation française, ont donc prouvé la difficulté à « dire le phénomène équestre ». Cependant, on ne peut que se féliciter d’une pareille initiative : lorsque le vocabulaire des enseignants ou de ceux qui transmettent les savoir équestres sera unifié, on verra alors certainement les cavaliers progresser tous dans une même direction, peut-être pas si loin de l’intemporel « calme, en avant, droit » d’Alexis L’Hotte.
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