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Voyager avec Jean-Louis Gouraud

Dans le cadre des conférences professionnelles organisées dans les formations universitaires équines de l’ESTHUA (Études Supérieures du Tourisme et de l’Hôtellerie de l’Université d’Angers) au campus de Saumur, Sylvine Pickel-Chevalier, maître de conférences et responsable de la Licence « Commercialisation des Produits Équins » et du Master « Tourisme et Loisirs Sportifs » a convié le 4 février 2016 l’écrivain voyageur Jean-Louis Gouraud à venir faire part de son expérience de cavalier et de sa connaissance des cultures équestres devant ses étudiants et étudiantes. L’une d’elles, Alice Joyé, en fait ici le compte-rendu.


C’est un jeudi de février à Saumur, notre belle ville du cheval, que Jean-Louis Gouraud vient nous rendre visite et nous parler. Nous, étudiants et étudiantes, sommes encore jeunes et n’avons vu qu’une partie du monde. Une toute petite partie du monde. Lui, l’a vu dans toute sa splendeur, à dos de cheval, le plus souvent. De la grande steppe mongole à l’Amérique, des plaines d’Islande aux contrées reculées de l’Afrique. Il a vu le monde et en parle avec amour. À travers ses livres, mais aujourd’hui aussi, de vive voix, face à nous.


Jean-Louis Gouraud se prête au jeu, se présente. Puis il nous parle des différents chevaux et des différentes équitations qui peuplent notre planète. Avec ses paroles, nos yeux s’ouvrent sur des mondes que nous connaissions peu : naissance de races, invention de la selle, traditions équestres internationales, relations au cheval selon les cultures...


C’est un voyage que nous vivons en rêve, à travers ses paroles. Lorsque Jean-Louis Gouraud nous raconte son voyage à cheval entre Paris et Moscou, nous sommes bouche bée. C’est un véritable film qui se déroule dans nos têtes, tant l’aventure semble extraordinaire.


Un soir, en 1989, des amis russes lui rappelaient l’histoire d’un officier de cavalerie de la garnison russe qui, cent ans plus tôt, avait juré de se rendre à Paris à dos de cheval afin de voir l’exposition universelle. Ce qu’il fit, devenant un héros de l’époque. Ces Russes ont alors mis Jean-Louis au défi de réaliser le même exploit en sens inverse et de relier ainsi Paris à Moscou, à cheval. À l’époque, le rideau de fer qui séparait l’Union Soviétique et l’Europe constituait une frontière qui semblait infranchissable. Il contacta Gorbatchev, chef d’État de l’Union Soviétique, qui accepta de lui délivrer un visa, en échange du don de ses chevaux à son arrivée à Moscou. Il acheta alors deux trotteurs réformés qui s’entendaient bien et dont la morphologie était similaire (nécessaire pour la monte à la turkmène : se déplacer sur de longues distances en disposant de deux chevaux par cavalier, ce dernier montant tantôt l’un, tantôt l’autre, le harnachement devant donc convenir aux deux).


Le voyage débuta en mai 1990, un mois de canicule : la journée, les chevaux étaient couverts de taons. La nuit, le cavalier était attaqué par les moustiques. De nombreux endroits étaient très marécageux, le forçant parfois même à rebrousser chemin. Chaque jour était une véritable aventure : des rencontres, des langues, des difficultés et la solitude. Aujourd’hui, nous ne réalisons pas, mais en 1990, le téléphone portable n’existait pas encore. Ainsi, Jean-Louis a parcouru 3 300 kilomètres pour arriver sur la Place Rouge. Avec environ quarante-cinq kilomètres chaque jour, son périple s’étendit sur soixante-quinze jours. Le lendemain de son arrivée, ses trotteurs étaient présentés à l’hippodrome, avant une célèbre course. Les gradins étaient noirs de monde. La foule entière se leva et applaudit ces nouveaux héros. Puis vint la cérémonie où le cavalier devait laisser partir ses chevaux, avec qui il avait partagé tant de journées, de nuits et d’épreuves. Les chevaux partirent, à la demande de Jean-Louis, dans une écurie dont il connaissait bien la palefrenière. Deux ans plus tard, en 1992, Gorbatchev n’était plus au pouvoir et la Russie souffrait du manque de nourriture. Les deux trotteurs devenaient maigres et n’étaient plus sous la protection de l’ancien chef d’État. Alors un soir, avec l’aide de la palefrenière, Jean-Louis arriva à Moscou pour emporter discrètement ses chevaux de cœur et réussit à traverser les différentes frontières sur le chemin du retour, avec un peu de chance (et des faux papiers).


Jean-Louis Gouraud nous raconte cette histoire avec émotion, se souvient de ces chevaux au mental d’acier et au cœur immense. C’est un récit extraordinaire, l’une des nombreuses aventures humaines qu’il a eu la chance de vivre. Et nous revoilà, étudiants de master et de licence, bien petits face à ce grand homme de cheval, qui nous a fait rêver durant cette rencontre exceptionnelle.


Et, même s’il avoue que l’Altaï est « bouleversant de beauté et de grandeur », lorsque l’on lui demande quel a été son plus beau voyage, il nous répond avec un sourire : « c’est le prochain ».


03/03/2016

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