Sonnenhof : une ville dans la ville à Bischwiller
Accueillant plus de 1 000 personnes en situation de handicap mental de tout âge, le Sonnenhof, fondation protestante à Bischwiller, acteur majeur de l’économie sociale et solidaire depuis un siècle et demi a développé depuis 40 ans une expertise unique dans la médiation animale. Les animaux ont été introduits dans les thérapies du Sonnenhof par le Docteur Othon Printz dans les années 1970. Au fil du temps, c’est un véritable « mini zoo » qui s’est constitué, accueillant près de 15 espèces animales dans un parc d’une superficie de 2 hectares. La médiation animale instaure une relation entre la personne handicapée et les animaux. Elle améliore la qualité de vie et facilite de nombreux apprentissages.
Aujourd’hui, les résidents bénéficient chaque semaine de temps de rencontre avec différents animaux au sein des établissements. Une trentaine de résidents travaillent au quotidien auprès des animaux du zoo et de l’exploitation laitière. Enfin, 60 résidents ont accès à des séances de médiation équine, au sein du Sonnenhof comme à l’extérieur.
Enorme cité totalement axée vers la réhabilitation des personnes cabossées par le handicap mental, les animaux y jouent un rôle majeur. Petits chevaux et ânes, la plupart du temps donnés à la Fondation « contre bons soins » apportent leur bienveillante contribution.
C’est à cet aspect de la médiation que nous allons nous intéresser avec Rosine Heitz, équicienne.
Rosine, quel est votre rôle ici ?
« Je suis éducatrice technique auprès des adolescents qui sont en situation préprofessionnelle, je les initie au monde du travail. J’ai comme partenaire les chevaux et comme support de travail son environnement. Donc mon rôle c’est de les initier au monde du travail. L’idée c’est qu’ils acquièrent des notions de temps, des rapports à l’espace, des compétences manuelles (en manipulant les outils de la ferme, le matériel d’espaces verts, etc), et bien sûr tout ce qui est relationnel, tout ce qui est enrichissant et fondamental pour se sentir bien, c’est les relations ».
Quelle place a le cheval dans ce travail ?
« Il est là tout le temps, c’est-à-dire qu’il éveille la curiosité, il répond à des intérêts, à même des fois des passions, il a toute sa place parce que c’est lui qui va nous rappeler à être dans l’instant présent, et ça c’est important ».
Qu’est-ce que vous utilisez de particulier chez le cheval pour éveiller la conscience de ces ados ?
« Leurs caractéristiques, c’est-à-dire que si je veux apprendre à une personne à être délicate dans ses gestes, je vais peut-être lui proposer un cheval qui est sensible, pour qu’il saisisse que, s’il veut rentrer en relation avec ce cheval il faut qu’il aille doucement avec des mouvements doux et amples ».
Equicienne est donc votre spécialisation ?
« L’équicien est un professionnel de la relation d’aide à la personne avec le cheval, il construit et il accompagne un individu avec une méthodologie précise. Il a des connaissances précises dans la relation humaine, la construction de l’individu, le comportement animal et la communication inter-espèce. La formation repose sur des connaissances en éthologie scientifique, en psychologie, en anatomie, en communication tant dans le domaine humai qu’animal. Notre diplôme est reconnu par l’Etat depuis 2014. Je vais me former et me perfectionner auprès d’Isabelle Claude, fondatrice d’Equit’aide, en Lorraine et créatrice de ce métier d’ équicien ».
L’atelier « Faire à cheval » accueille des adolescents de 14 à 20 ans en situation préprofessionnelle. Ils suivent un parcours pour acquérir un maximum d’apprentissages généraux et techniques pour accéder à l’ESAT (Établissement et service d’aide par le travail). Ils sont initiés au monde du travail. Dans cet atelier, l’éducatrice utilise comme partenaire le cheval et son environnement comme support autour de trois axes.
- Les activités autour du cheval : les jeunes sont amenés à nourrir les chevaux. Ils apprennent par exemple la notion de quantité, identifier la paille/foin, les modes de cultures … En nettoyant le paddock, ils apprennent à travailler en équipe et à manipuler les outils de la ferme. Ils entretiennent aussi les parcs et les espaces verts. Ils apprennent à manipuler le petit outillage et le matériel d’espaces verts.
- Les activités de médiation : l’animal permet un lien social. Il sera un médiateur, un facilitateur voire même un tiers-éclairant.
- Des animations avec le cheval. Dans un parcours de jeux confectionné par l’équipe et dédié à l’activité, ils accueillent des résidents de la fondation. Ensemble, ils prennent soin du cheval, mènent et exploitent le parcours. Les jeux permettent les interactions. Ils apprennent à placer leur corps dans l’espace, enrichissent leurs relations avec leur camarade et le cheval, développent leur attention…
Voltige, longues rênes et équitation
À la rentrée scolaire 2017, un projet composé de plusieurs activités équestres a été mis en œuvre. L’un d’entre eux est l’activité longues rênes qui a été proposé à une jeune femme en surpoids dont la condition physique et de nombreuses chutes ne lui permettent plus de réaliser un sport traditionnel.
L’activité consiste à diriger un âne à l’aide de longues rênes, ce qui permet d’aborder le contact avec les équidés à pied. Au-delà du soin procuré à l’âne avant la séance, les longues rênes se composent de différents exercices. Progressivement cette jeune femme a appris à se situer dans l’espace, à travailler sa motricité, à prendre confiance en elle. Spectaculaire évolution qui fait dire à son éducatrice : « elle en ressort fière et grandie ».
Toujours au cours de l’année scolaire 2017-2018, 6 élèves de 8 à 13 ans ont pu profiter d’une trentaine de séances de voltige équestre aux écuries de la Cigogne à Haguenau. Constat :
« La confiance entre la personne encadrante, Cédric, la jument Petite Lune et la plupart des élèves est apparue très rapidement. Cela a permis aux jeunes de progresser et d’être autonomes sur le dos de la jument. S’ils en ont les capacités motrices, ils sont en mesure d’effectuer quelques figures seuls allant jusqu’à se mettre debout avec une parade, au pas, voire également au trot ».
Cette première année de pratique de voltige équestre a été une très belle expérience, qui a été reconduite à nouveau pour l’année 2018-2019 avec 5 élèves, dont 4 ayant participé l’an passé.
La troisième activité équestre mise en place à la rentrée 2017 a concerné un groupe de 5 jeunes filles adolescentes de l’IME. Cette activité comprenait toutes les notions de l’équitation académique. Les séances ont eu lieu tous les mercredis matin sur l’année scolaire.
Toutes les participantes ont fait preuve d’une assiduité et d’une régularité très marquée pour la discipline. Les jeunes sont contentes et motivées lorsque le mercredi arrive. La tenue vestimentaire est respectée et les participantes sont appliquées tout au long de la séance qui dure 2h30 dans sa globalité : elles éprouvent du bien-être dans la pratique de l’équitation.
Au niveau social, cette activité en milieu extérieur permet aux jeunes filles de se confronter au milieu ordinaire et de développer leurs relations sociales en vue de la meilleure inclusion possible. L’équitation a permis à ces jeunes de travailler sur des situations concrètes qu’elles rencontreront dans le monde du travail : respect des consignes, réalisation de gestes techniques, rigueur, rythme, relations sociales.
Le bilan est positif estime l’encadrement: « toutes les cavalières ont évolué. Ainsi, il permet d’envisager d’autres projets utilisant ce support pour développer les connaissances, compétences et qualités des résidents pour intégrer le milieu extérieur »
Ouverture sur l’extérieur
L’accueil du public au parc animalier pédagogique Zoo’n hof fait partie des priorités de l’encadrement. Le parc propose plusieurs prestations, qui bénéficient à un public varié : les résidents ou bénéficiaires de tout type d’établissement qui souhaitent profiter d’une séance au sein du parc, les enfants, les adolescents et adultes en situation de handicap. Dans un proche avenir, les familles et promeneurs occasionnels et les enfants du milieu ordinaire venant en sortie scolaire pourront aussi en bénéficier.
Les demandes de visite et de séances de médiation animale sont toujours plus nombreuses. Actuellement ces séances se font principalement en extérieur, avec les aléas de la météo.
Les possibilités de repli à l’intérieur existent, mais ne permettent pas toujours d’instaurer un environnement favorable, réfléchi et confortable. C’est pourquoi la Fondation Protestante Sonnenhof a pour objectif de construire une maison de la médiation animale..
Pour obtenir la demande d’ouverture par la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations) puis l’ERP (Établissement Recevant du Public) délivré par la Préfecture, de nombreux travaux ont déjà pu être réalisés grâce aux différents mécénats et subventions : EDF, le CCAH, La Fondation Adrienne et Pierre Sommer. La Fondation Sonnenhof est encore à l’heure actuelle à la recherche de dons afin de finaliser ce projet.
Vous devez être membre pour ajouter des commentaires. Devenez membre ou connectez-vous