Equitechnic : Dans l’univers des jours d’avant
Equitechnic en Pays d’Auge, au milieu du bocage normand, a tout d’une « maternité » équine dans laquelle le chef de centre est aux petits soins pour le père et la mère. Le chef de centre, c’est Marc Spalart. Depuis 2010, il administre ce centre où se croisent sans jamais se rencontrer étalons, porteuses et poulinières.
Merveilleuse Normandie entre route du cidre, vallée du Calva, pommiers en sommeil, Pont l’Evêque et autres Livarot. La visite qui est proposée ici n’est ni touristique ni gastronomique mais biotechnique équine avec un regard sur les jours d’avant la naissance du poulain.
C’est à Corbon près de Notre Dame d’Estrées (14) qu’est implantée la structure, base de la vie équine. Comme l’indique son slogan : « L’élevage, la vie ».
Le cheval, c’est du ressort de l’atavisme chez les Spalart. Père et grand-père étaient dans le milieu. Le premier à la direction du CSEM de Fontainebleau, le second, membre fondateur de la société hippique de Fontainebleau.
Le Grand Parquet n’a pas beaucoup de secrets pour lui. Il y a fait ses classes sportives avec tous les cracks cavaliers de la région bellifontaine avant de se diriger vers les études supérieures. Passionné de génétique animale, il est devenu ingénieur des travaux agricoles avant de partir se perfectionner aux USA à l’école Véto du Pr Bob Kenney, un ponte dans la science de la reproduction équine auprès duquel le Dr Jean-Marc Betsch s’est aussi formé.
A son retour, c’est dans la génétique bovine qu’il exerce ses talents en dirigeant l’UPRA Normande. De sa rencontre avec Emmanuel Rossier, ex-DGA des Haras Nationaux quelque temps plus tard, date son implication définitive dans la reproduction équine. Rossier lui propose la direction de la jumenterie du Pin. De 98 à 2003, il dirige ce centre d’expertises et d’expérimentations devenu un lieu de formation et d’information unique en Europe.
Puis vint le temps du haras des Cruchettes de Pierre Julienne, Arnaud Evain et Eric Palmer et la reprise d’Equitechnic. Marc Spalart entre au capital de cette société et la fera évoluer vers le domaine qu’il maîtrise le mieux : les prestations techniques liées au sperme congelé. De la reproduction équine qui avait amorcé une importante mutation depuis les années 90 avec l’insémination artificielle et la congélation du sperme, il fera sa spécialité.
Equitechnic maîtrisait ces nouveaux outils familiers pour l’ingénieur et chef de centre Marc Spalart. Le cheminement économique fit que la société passa sous le giron d’Amelis, conglomérat de coopératives qui a rejoint en 2014 le groupe Evolution, tentaculaire consortium à vocation agricole.
A Corbon depuis 2010
A l’étroit aux Cruchettes, Equitechnic a dû migrer vers plus d’espace, d’où le choix de Corbon où un groupement foncier agricole disposait de 50 hectares à vendre. Idéal pour le projet de Marc Spalart qui devait abriter, en plus des bureaux, laboratoires, écuries, manège, carrière et stockage, les 300 juments porteuses qui font partie de son offre.
Gros investissements et importants travaux pour ce plateau technique de pointe qui mobilise aujourd’hui une dizaine de personnes à temps plein.
Les étalons, toutes races confondues, sont reçus à partir d’octobre pour être prélevés et congelés. Entre 70 et 80 sires passent l’hiver ici dans de confortables boxes 4x4 et sont sortis, montés pas Gaspard Taverne, le cavalier de la structure qui dispose d’une carrière et d’un manège. C’est le patron lui-même qui participe au prélèvement, trie, analyse, observe la vitalité et le nombre des « petites bêtes » qui prendront place dans les petits tubes de différentes couleurs avant d’être congelés.
Chaque prélèvement prend 1h30 heure, du passage du mannequin à la cuve d’azote. La méthode est rôdée, le geste sûr, l’analyse immédiate. Ce matin polaire de février, il faisait -10°C à l’extérieur, lorsque Marc Spalart m’a reçu sur son domaine. Entre 8h30 et 13h. Ce sont cinq chevaux dont Kannan, Cornet’s Prinz, Falcone Rouge, Ze Carioca qui sont passés sur le mannequin et Carinjo 9*HDC, prélevé au sol.
De l’autre côté du laboratoire les juments sont préparées pour l’insémination alors que de la pièce de stockage partent les cuves de semence congelée, les doses de réfrigérés et le sperme frais.
Au retour du show étalons de Saint-Lô, le process naissance est à sa vitesse de croisière et laisse peu de répit à ses acteurs.
180 porteuses en attente
Un troupeau de 300 juments – trotteur en grande partie – est destiné à recevoir les embryons. Sur site, seulement la moitié du cheptel, le reste étant chez les éleveurs. Nourriture et paillage sont optimisés au maximum dans les deux vastes stabuls. Une partie est sous lumière artificielle de façon à avoir des porteuses parfaitement synchrones avec les donneuses.
Un pas vers la commercialisation de saillies
Le cœur de métier d’Equitechnic c’est la congélation de semence, son conditionnement, les expéditions de doses, le transfert d’embryons et la fourniture de juments porteuses. Les pratiques sont parfaitement maîtrisées et valent à Equitechnic une bonne cote sur le marché. Si, depuis 2003, la société s’est consacrée à ces prestations elle n’en néglige pas pour autant la commercialisation de saillies. C’est le cas cette année avec celui qui fut une des attractions de Saint-Lô, l’olympique Big Star. La prise de contact s’est faite pendant les JEM de Caen en 2014. Depuis des relations de confiance avec les propriétaires et Nick Skelton se sont nouées pour aboutir, par les relations commerciales, à la présence de l’étalon au salon de Saint-Lô. Joli coup de projecteur. C’est encore Falcone Rouge champion des 2 ans qui a été confié à Equitechnic pour la congélation et la commercialisation. Ze Carioca, le bébé de Necco Pessoa est aussi au catalogue aux côtés d’Aldo du Plessis (Orient Express x Palestro) et Bornthis Way Chapelle (Kashmir x Capitol) de l’écurie d’Annick et André Chenu, ses voisins.
L’adoption d’orphelins fait également partie de l’offre. Une méthode d’induction de lactation permet de faire adopter et nourrir un poulain à une jument poulinière non gestante. La gestion de ce volet « #adopteunpoulain » est confiée à Bénédicte Barrier (élevage du Banco) au Haras de la Cour du Chasseur au Pin (61).
Vers le sexage de la semence
Recherches et développement sont des principes qui ont fait la force d’Equitechnic et qui sont toujours d’une brûlante actualité. Deux pistes sont en cours d’exploration cette année : le sexage de la semence et la congélation ou la cryoconservation des embryons.
Le sexage de la semence qui permet de séparer les spermatozoïdes mâles et femelles offre à l’éleveur de choisir de faire naître un mâle ou une femelle. La technique est très au point chez les bovins. Les travaux sur le sperme des étalons sont faits en partenariat avec le laboratoire américain Sexing Technology.
La cryoconservation, quant à elle, progresse. Cette technique sera d’une grande utilité pour la gestion du troupeau de receveuses dont la difficulté et d’assurer la synchronisation des chaleurs avec les juments donneuses.
Un placement
« Equitechnic a acquis une solide expérience en 30 ans d’activité, commente Marc Spalart. Avec plus de 1 000 étalons différents récoltés, quelque 250 à 300 juments inséminées par an et un stock moyen de 40 000 doses, la congélation du sperme des étalons n’a plus rien à voir avec les premières tentatives.
Aujourd’hui, la plupart des étalons de sport n’utilisent que ce mode de reproduction pour servir un harem qui peut aller de quelques juments à 400 juments et parfois plus (avec les saillies à l’étranger). Les centres de mise en place ont vu leur nombre décupler en 15 ans et le développement de ces centres d’inséminations dans les pays étrangers est en progression constante. Petit à petit les studbooks s’ouvrent à l’I.A.C., comme ce fut le cas pour la race Arabe (1998), plus récemment pour le Quater Horse (2001) et aujourd’hui pour le Lusitanien et l’Akhal Téké.
Contrairement aux préjugés, la congélation n’est pas si coûteuse (environ 200 Euros H.T. par jument, expédition comprise). Congeler le sperme d’un étalon doit être considéré comme un placement, la mobilisation d’un capital plus ou moins important qui peut, comme dans n’importe quel domaine, s’avérer très rentable s’il est bien géré. Certes, l’étalonnier prend un risque en avançant de l’argent sur la tête de son cheval, au même titre qu’il en place en le confiant à un cavalier ou un entraîneur. Mais au final, ce sont les propriétaires des juments qui paient la facture par un supplément sur le prix de saillie demandé pour couvrir les frais de la congélation.
Pour ces derniers, l’effort financier est d’autant mieux supporté qu’il permet une économie substantielle sur les frais d’élevage par la possibilité de faire inséminer leurs juments à la station la plus proche du haras (économie de temps et donc d’argent par la réduction des frais de transport, de pension, de poulinage…). C’est aussi une sécurité sur le plan technique et sanitaire pour les juments suitées car en réduisant la durée des transports et des séjours à l’extérieur du haras, l’éleveur limite les risques d’accident et de contamination de son cheptel ».
Une année en chiffres
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