La lysine : premier acide aminé limitant
Les protéines sont un constituant majeur de l’organisme. Elles sont présentes partout : dans le muscle, dans le collagène, la peau, le poil, le sang... Comme les autres constituants, toutes les protéines sont en permanence dégradées et remplacées, mais à des vitesses extrêmement différentes selon le cas. Les enzymes ou les hormones par exemple ont une durée de vie très courte car ils sont souvent dégradés au fur et à mesure qu’ils remplissent leur rôle. Les cellules de l’intestin, comme les protéines du foie ont une durée de vie de 2 à 3 jours. Les protéines musculaires sont renouvelées à raison de 1 à 2 % par jour.
Dans l’alimentation du cheval, les protéines forment la plus grande partie et la plus intéressante des matières azotées. En effet, une partie de l’azote se trouve sous forme d’azote non protéique. En rationnement, les apports comme les besoins en azote sont exprimés en MADC (Matières Azotées Digestibles pour le Cheval). Cela correspond à la fois à ce qui est absorbé au niveau de l’intestin grêle et aux matières azotées protéiques ou non, absorbées après action de la microflore au niveau du gros intestin.
Les protéines sont composées d’acides aminés. Certains de ces acides aminés peuvent être synthétisés par le cheval, qui n’est donc pas dépendant de l’apport alimentaire pour eux. D’autres doivent obligatoirement être apportés par la ration parce que l’animal ne peut pas les fabriquer. Ce sont les acides aminés indispensables (AAI pour les intimes).
Chez le cheval, les acides aminés indispensables sont : leucine, isoleucine, valine, méthionine, phénylalanine, thréonine, lysine, tryptophane, histidine. A noter que la tyrosine et la cystine sont semi-indispensables.
Les protéines sont digérées essentiellement par voie enzymatique dans l’intestin grêle. Le mélange d’acides aminés qui sera disponible pour le cheval sera donc très dépendant de l’alimentation.
Pour visualiser la synthèse d’une protéine (de façon outrageusement schématique) imaginez un collier. Il vous faut une boule rouge, puis une bleue, plus deux noires, puis verte, puis encore une rouge etc. Si tout à coup vous n’avez plus de boules vertes, vous pouvez partir d’une bleue pour la transformer en verte en rajoutant un peu de jaune. Mais si vous n’avez plus de boule rouge, la fabrication de tout le collier est stoppée jusqu’au prochain arrivage de boules.
Dans le cas de la synthèse protéique, votre boule verte correspond à un acide aminé non indispensable puisqu’il peut être obtenu à partir de la boule bleue. Par contre, la boule rouge est un acide aminé indispensable. Dans cet exemple, le manque de ce seul acide aminé a été suffisant pour tout bloquer. On parle d’acide aminé limitant. La quantité de protéines synthétisée sera finalement dépendante de la disponibilité de cet acide aminé. On peut rajouter autant qu’on veut de protéines, si on ne fournit pas celui-là, cela ne sert à rien. Dans notre exemple, on peut avoir un panier rempli de boules, tant qu’on n’a pas de rouge, le collier ne progressera pas et une partie des boules finira à la poubelle.
Évidemment si on fournit massivement des rouges, au bout d’un moment une autre couleur indispensable viendra à manquer. Ce sera le second acide aminé limitant.
Cela amène dans certaines d’espèces à déterminer une protéine au profil « idéal » en acides aminés indispensables, celui colle de tellement près aux besoins qu’il y a toujours la couleur qu’il faut et donc le moins de boules sans intérêt dans le panier. Le rendement métabolique de l’utilisation de cette protéine est maximal. C’est ce qu’on appelle une protéine à « haute valeur biologique ». Comme vous le constatez, c’est une notion qui n’est pas absolue mais dépendante du profil de besoin de l’animal. Même si certaines protéines totalement déséquilibrées, ne sont proches d’aucun profil idéal, il n’en reste pas moins que c’est bien l’adéquation entre le profil de l’animal et celui de la protéine qui est important. Changez d’animal, vous changerez de profil idéal et donc d’estimation de la valeur biologique de tel ou tel aliment. Donc dire que telle protéine a une haute valeur biologique sans préciser dans quel cas est un raccourci de langage fréquent qui fait courir le risque de parfois frôler la généralisation abusive.
Pour le cheval, force est de constater qu’on est loin d’avoir déterminé le profil idéal. De l’aveu de leurs auteurs, les études sur ce sujet montrent leurs limites lorsqu’on les confronte à la réalité. Elles ont cependant démontré que le premier acide aminé limitant est la lysine. C’est donc le seul pour lequel on a des recommandations. Pour les autres, on suspecte la méthionine sur des régimes riches en légumineuses.
Sur le plan pratique, les exigences en acides aminés indispensables sont sans doute facilement satisfaites pour les chevaux à l’entretien ou au travail car les fourrages sont sources de protéines de bonne qualité mis à part dans le cas de l’herbe très jeune (riche en azote non protéique). Par contre, pour les gestantes et encore plus pour les allaitantes et les jeunes en croissance, on ne peut faire l’économie d’un raisonnement sur la qualité des protéines et notamment de couvrir les apports préconisés par l’INRA en terme de lysine. Il faudra pour cela faire appel à des sources animales comme la poudre de lait dans les aliments pour poulains, au tourteau de soja, à la luzerne ou à d’autres sources comme le pois.
Pour les autres acides aminés indispensables, il s’agit plus d’un raisonnement au coup par coup : un cheval qui a un régime riche en légumineuses et qui a une corne de mauvaise qualité peut amener à suspecter un problème sur la méthionine, qui est un des deux acides aminés soufrés nécessaires à la fabrication de la kératine. Il est alors possible de modifier la ration pour augmenter cet apport. L’amélioration ou non de la corne permettra de confirmer ou d’invalider l’hypothèse.
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