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« Santiago ! » (Dernier épisode) Maurice Tabac

Résumé :  Maurice Tabac, parti du Haras de St Lô en Normandie, entreprend le pèlerinage de St Jacques de Compostelle à cheval : deux chevaux l’accompagnent, Loug, un hongre de dix ans, gris de race barbe, et Lasco, un poney Français de selle, bai, pottock x arabe. Le pèlerinage lui prendra 3 mois. Le pélèrinage touche à sa fin quand il entre en Galice. Photo 1 sur 1


On ne peut asservir l’homme qui marche

La prochaine possibilité est à quinze kilomètres, allons-y, le terrain est légèrement vallonné et les eucalyptus font leur apparition. Au trot une heure et demie plus tard nous sommes à Melide. Bon accueil l’auberge possède un champ et peut me vendre de l’avoine. Le restaurant d’à côté propose la spécialité locale, le poulpe bouilli au piment. Bon ! Allons-y. Quoi dire, pfft, ça se mange. De retour au gîte, je frictionne les genoux de Lasco et donne le grain. Je suis excité, plus qu’une journée à cheval et ensuite 20 km pour atteindre Santa Irena. Je n’arrive pas à m’endormir, je tourne, je vire, je refais le voyage et j’ai faim. Alors je me relève pour grignoter et fumer une cigarette. La nuit a été mauvaise comme le temps, la pluie toute la journée fera tomber la poussière. L’itinéraire suit encore la trop fameuse nationale, puis en forêt. A midi on est arrivés, il nous a même fallu attendre l’ouverture de l’albergue. L’hospitalière me montre les boxes et la cave où ranger mon matériel, grand luxe, il y a même des abreuvoirs automatiques, par contre il n’y a pas de foin. Je passe l’après-midi à les faire patûrer dans le champ mitoyen. Ensuite douche, toilette, lessive, il faut être beau demain, c’est le grand jour. C’est seul et à pied, quelle heureuse initiative que je pars. Après 5 km dans la forêt d’eucalyptus jusqu’à Lavacola où les pélerins du moyen-âge se lavaient, nous longeons les pistes de l’aéroport international sous le hurlement des réacteurs. L’on raconte, qu’on voit souvent des courageux Jacquets, venus par la voie des airs, sortir de l’aérogare chaussés de gros croquenots, tenant fermement le bâton partir à pied vers le centre de la ville.  Après Lavacola, il n’y a plus de chemin de terre mais que du bitume jusqu’à la colline de Monte Do Gozo (mont de la joie) d’où l’on aperçoit les tours de cathédrale. A présent la colline est couronnée d’un monument de béton et d’aluminium symbolisant la joie du pèlerin. Descendre puis franchir l’autoroute et l’agglomération hideuse de toute la ville. Enfin nous arrivons, je dis nous, car nous sommes à la queue-leu-leu à la porte du camino, salués par un calvaire du XIIe. Encore quelques centaines de mètres qu’il serait bon de faire pieds nus et voilà la Praza Da Immaculada au flan de la cathédrale. Nous sommes arrivés. Sur le parvis beaucoup de pélerins sautent de joie, chantent, dansent, se tapent sur le dos et moi je reste groggy. Ce n’est que lorsque j’aperçois Michel, Sylvie et sa mère avec les deux chiens que je réagis. Santiago ville de 90.000 habitants tournée essentiellement vers le tourisme et le pélerinage, la cathédrale baroque, trop baroque ! Je n’aime pas. Visite de celle-ci, j’ai mis la main là où il faut, sur le pillier droit. Ensuite la petite chapelle du maître autel pour découvrir l’apôtre Saint-Jacques, une sculpture d’origine romane, puis la crypte où sont conservées les reliques de l’apôtre. Je n’ai malheureusement pas assisté à la messe, arrivé trop tard pour voir fonctionner le Bota Fumero, un immense encensoir dont le vol atteint presque le plafond de la nef. A l’origine, cet encensoir servait à désinfecter l’église des miasmes et des effluves apportés par les pélerins. Après m’être recueilli, je suis allé faire la queue pour recevoir le Compostella et visiter la ville qui est très commerçante, avec des magasins de souvenirs, bâtons, coquilles, bondieuseries et restaurants.
C’est fini, trente ans d’attente, trois mois de voyage et trois jours pour retrouver la Normandie.
Les jours suivants je m’interroge, que ressort-il de ce périple ?
En ce qui me concerne, que je suis capable d’emmener deux chevaux pendant trois mois sans altérer leur santé ou si peu. De trouver que cette société est différente dans la difficulté, la longueur, le climat et la fatigue. Combien de ces pélerins se cherchent, combien font un retour sur des valeurs oubliées, la vie simple, l’effort voire la souffrance, les intempéries et les rencontres. Le bonheur n’est-il accessible que de cette façon. Le soir à l’étape chacun raconte sa journée, ses moments de faiblesse ou d’euphorie. Personne ne se vante, ni de son rang, ni de son métier ou de sa richesse, simplement raconter sa journée. Le soir tout le monde dans la chambre se dévêt et de ce fait se met un peu plus à nu. Sur les fils à linge les gens se découvrent sans ambage, pas d’ostentation, naturels, sains. Ce brassage remet les choses à leur juste place. Un peu hors du temps, pas d’information, sur les guerres, les catastrophes, la bourse, la crise financière. Non, simplement la discussion, le soin des pieds et le partage des repas. (J’ai dû trop fumer). Je ne veux pas terminer ce compte-rendu sans remercier chaleureusement tous ces gens qui m’ont apporté leur soutien, hébergé, et souvent nourri; je pense aussi aux éleveurs de L’Adecno qui ont rempli ma bourse, à la société Sanders qui a nourri les chevaux, au Conseil Général de la Manche qui m’a vêtu, au Haras National de Saint-Lô pour le laissez passer dans ses murs, à Florence mon routeur efficace, à M. Hubert vétérinaire pour la trousse première urgence chevaux, à Doudoun mon infirmière, à Claudine pour la couture et la garde des chevaux restant à la maison et à mes enfants qui ont été formidables merci merci.
10/02/2011

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