Dubaï du Cèdre « Un petit grain de folie » qui lui va si bien
Racontez-nous l’histoire de votre cheval
« Dubaï est née à la maison. C’est sa mère, Urgada de Kreisker (Diamant de Semilly et Briseis d’Helby par Laudanum, ps), qui l’a portée et élevée. Elle a grandi chez nous dans les prairies jusqu’à 3 ans, et ensuite a commencé le travail dans les écuries de Bruno Rocuet. Elle a d’abord été montée par Come Couturier qui a fait quelques parcours avec à 4 ans. Il m’a tout de suite dit qu’elle était hors normes avec beaucoup de sang, beaucoup de puissance. Valentin Besnard l’a montée à cinq et six ans, gagnant d’ailleurs une épreuve de 6 ans au chrono avec elle, ensuite c’est Margaux Rocuet qui l’a récupérée pour les 7 ans. Elle a gravi les marches avec Margaux jusqu’aux portes du Haut Niveau, et quand on a senti que c’était le bon moment pour la jument d’aller chez un cavalier 5* on l’a confiée à Julien ».
Comment s’est faite la transition ?
« On s’est rendu compte que pour faire les grosses épreuves, les cavaliers, même s’ils montent bien, n’ont pas les « pass » pour faire les beaux concours, et même si la jument performait, Margaux n’avait pas encore accès au plus haut niveau. On s’est dit que la jument avait le bon âge, et qu’on aimerait bien la voir évoluer un peu plus loin. Donc, soit on la vendait soit on la confiait à quelqu’un d’autre. On a essayé de la vendre mais cela ne s’est pas fait, donc au bout d’un moment on s’est dit qu’il fallait qu’on aille voir ailleurs ».
Vous connaissiez Julien ?
« On avait des amis communs. On savait qu’on pouvait lui proposer parce qu’il essayait de nouveaux chevaux régulièrement. Nous l’avons contacté et il est monté sur la jument. Et, même si ça a été un peu chaotique, il a dit qu’il avait envie de continuer. Au bout de trois jours il nous a rappelés et nous a dit : « on va faire quelque chose ensemble. » C’était gagné. On était contents parce que le sentiment qu’on a depuis qu’elle est née (j’avais la chance de la monter à chaque fois qu’elle revenait à la maison), c’est qu’elle avait un petit « grain de folie » qui la distinguait des autres. Mais tous les cavaliers ne l’ont pas forcément ressenti. Sylvain et moi - explique Perrine - en voyant la jument sauter en liberté, on avait le même sentiment par rapport à ses capacités et c’est ce qu’a très vite ressenti Julien. Susanna, sa femme, a été de suite séduite par Dubaï »
Donc objectif Jeux Olympiques ?
« Elle est dans la liste. C’est vraiment un rêve pour tout éleveur qui voit sa jument tout doucement gravir les échelons et là, déjà, on est très contents de tout ce qui est fait. Si elle peut faire les Jeux, ce sera tant mieux mais on sait que la route est longue. Financièrement, nous sommes arrivés à un accord avec Julien qui a sécurisé l’achat. Nous en gardons 30 % ».
Votre sentiment après l’avoir vue gagner le « match » contre Bosty ce soir ?
« Que du bonheur. On est venus avec nos filles qui ont eu la chance de la voir gagner. C’est plutôt chouette ».
L’élevage du Cèdre, c’est combien de poulinières ?
« Cinq poulinières. On fait naître cinq poulains par an, qu’on commercialise assez rapidement, et en général on en garde deux tous les ans, pour faire vieillir jusqu’à 3 ans. On essaie de vendre tous les mâles et de garder toutes les femelles, même si la trésorerie nous oblige parfois à vendre des femelles. On tourne sur une vingtaine de chevaux, poulains et poulinières. On essaie d’en faire vieillir quelques-uns pour se faire plaisir. Nous sommes installés entre Vitré et Fougères à une heure et quart de St Lô ».
Dubaï a-t-elle fait des poulains ?
« Oui, elle a déjà eu 9 poulains, par transfert, chez nous, et on a gardé une pouliche, Jakarta (Dollar dela Pierre) qui a 4 ans et que nous avons confiée à Marc Dilasser. Elle aussi produit par transfert. Un Casall a été vendu à Fences à Piergiorgio Bucci, le cavalier italien 5* qui vit aux Pays-Bas. On a vendu son fils l’étalon Joli Coeur du Cèdre (Dollar dela Pierre) à France Étalons. Le premier produit de Dubaï, la pouliche Goodnight du Cèdre par Vagabond de la Pomme a été championne des 6 ans en Espagne. Elle a 8 ans maintenant ».
Vous êtes de jeunes éleveurs ?
« Oui, on travaille à côté, je suis instit et Sylvain est kiné, des métiers qui nous permettent de travailler à temps partiel pour libérer assez de temps pour l’élevage. Sylvain a la passion de l’élevage depuis tout petit, et il a tout élevé avec son frère…
Sylvain s’occupe des chevaux le matin, et moi je prends le relais quand je rentre ».
C’est une tradition familiale ?
« Pas vraiment. Ses parents avaient des vaches allaitantes. Mon père, artisan, ne voulait pas de chevaux, il disait que c’était un « bouffe-fric ». Je lui ai prouvé l’inverse… »
Vous pratiquez l’ICSI ?
« Oui on pratique l’ICSI sur la mère de Dubaï, Urgada de Kreisker depuis un petit moment déjà. Ce qu’on a constaté (on a fait naître 10 poulains par cette technique-là), c’est qu’on n’a pas eu plus de problèmes de santé qu’avec les autres poulains, il y a des bons, des mauvais, des moches, des beaux. Il ne faut pas attendre plus d’un poulain d’ICSI que d’un poulain d’élevage classique. La première pouliche qu’on a testée a deux ans. Elle a un protocole radios 5*, elle saute super. Pour nous, le principal frein à l’ICSI est commercial, voire idéologique, mais certainement pas sanitaire. Il y a énormément de fausses informations sur l’ICSI. Les gens la critiquent alors qu’ils ne se basent sur aucune étude scientifique. Ce qui est vrai, c’est que c’est un problème pour la jeune génétique : ça peut ralentir le testage de la jeune génétique, par contre il ne faut pas avancer de problèmes sanitaires. La mère de Dubaï rentre en chaleurs très tardivement dans la saison, donc on avait très peu de transferts avec elle, ça ne marchait plus : les poulains arrivaient en septembre ou octobre. Avec l’ICSI on peut programmer pour que les naissances se fassent au printemps, avec la bonne herbe, tout ce que l’éleveur préfère. Un autre avantage c’est qu’on peut sélectionner beaucoup mieux nos porteuses, parce que les embryons étant congelés on peut les réimplanter quand on veut. Par rapport au transfert normal c’est une vraie plus-value : on peut acheter nos porteuses, des juments avec du cadre, en pleine santé, et réimplanter quand on veut ».
Pourquoi le nom Dubaï ?
« Comme sa mère s’appelait Urgada (une ville située en Égypte), tous ses produits ont un nom de ville, c’est ce qu’on demande aussi quand on vend des embryons, on demande aux éleveurs s’ils veulent bien donner un nom de ville à leur produit. Comme notre affixe est assez commun (du Cèdre) on trouve que l’accompagner d’un nom de ville, c’est sympa. La première pouliche qu’on a eue s’appelait Casablanca, par exemple. Et après Dubaï on a eu Estoril ».
Propos recueillis par Etienne Robert (Photos ER et GP)
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