La mise aux marais : une tradition ancestrale
Comme chaque année lorsque les beaux jours reviennent, que les prairies ont séché, on remet les bêtes à l’herbe.Dans le Cotentin les zones de marais sont restées des biens communaux. Elles représentent 7 300 hectares pour 65 communes
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dont 2 700 hectares sont encore utilisés comme pâturages collectifs.
De tous temps, chaque famille possédait des droits. Elle pouvait mettre des bovins ou des chevaux pour la saison allant du 1er mai au 1er décembre si la météo le permettait…
Avec la diminution du nombre d’exploitations dans chaque commune et l’ère du productivisme, les habitants non éleveurs, détenteurs de droits mettaient en vente leurs cartes au profit des éleveurs hors communes. Chaque foyer détenait un nombre de cartes en fonction du nombre d’enfants.
Pour un bovin ou un cheval de moins de 2 ans il fallait deux cartes, pour un adulte, quatre cartes. Chacun réalisait donc la tournée des maisons, prenant le café, pour acheter le nombre de cartes suffisantes.
Et puis le temps est venu où l’on a supprimé les droits individuels en réduisant les impôts communaux. Dorénavant on achète ses places à la commune.
Mais aujourd’hui les conditions liées au chargement animal par hectare ont redonné une nouvelle jeunesse aux marais en donnant la possibilité aux éleveurs de soulager leurs terres durant la belle saison.
Ainsi dans les marais du canton à Crosville-sur-Douve, La Bonneville, Rauville-la-Place ou encore Saint Sauveur-le-Vicomte il y a déjà plusieurs semaines qu’il n’y plus de place.
Durant le mois d’avril on prépare les bêtes, les vétérinaires réalisent les castrations au moins quinze jours avant l’entrée, les vaccinations, la vermifugation et le maréchal passe pour le parage ou le déferrage car on ne les rattrapera pas de sitôt.
Marquage et anecdotes
La mise au marais prend une demi-journée durant laquelle chacun amène ses animaux. Autrefois à pied, aujourd’hui en bétaillères attelées aux tracteurs pour les bovins, en camion et vans pour les chevaux. Les routes d’accès étroites sont bien encombrées ce jour là !
Le garde-champêtre est présent avec sa forge. Il procède à la marque au fer rouge sur le sabot des chevaux et les cornes des bovins afin de les repérer. En effet si un animal passe le gué il peut tout à fait se retrouver dans le marais voisin avec d’autres congénères ayant une autre marque.
C’est vrai que « dans le temps » on n’avait ni boucle, ni puce électronique.
Pendant plus de six mois, les jeunes chevaux vont changer d’aspect. Leur identification peut entraîner quelques confusions. Une année le directeur du haras de Saint Lô, Guy Bideault, repéra une anomalie au cours du concours de 3 ans : la jument présentée n’était pas celle identifiée.
Figurez-vous que l’été précédent une jument fut retrouvée foudroyée par l’orage. Le garde appelle le propriétaire qui vient la reconnaître et la déclarer à l’assurance.
En fait il ne s’agissait pas de sa jument... Il la récupérera donc après le concours et dut rembourser l’assurance.
Autre cas, deux éleveurs se sont retrouvés convoqués à Saint Lô pour procéder à l’échange, là encore la réalisation du graphique avait mis en évidence l’erreur.
Même si cela semble inconcevable, dites-vous que les animaux sont vus chaque jour par le garde. Les propriétaires les plus éloignés (de la Hague au Mont Saint-Michel) ne viennent pas les voir souvent.
Et si vous leur rendez visite, vous serez entourés d’un troupeau content de voir un humain.
Le soir, entre chien et loup, le spectacle est unique avec le coucher de soleil, la brume au dessus des criques, les petits ponts de pierres et les passages toujours humides.
Attention si on ne connaît pas suffisamment les lieux on peut s’y perdre ou être obligé de se mouiller pour rentrer au plus court.
Les vertes prairies permettent aux chevaux d’évoluer en toute liberté. Ce sont leurs derniers mois tranquilles, avant de devoir découvrir le box et le travail. Le sol est souple ils peuvent galoper, des groupes se constituent, la nourriture est saine et on ne craint ni le parasitisme, ni les autres infections. Les chevaux s’endurcissent autant physiquement que mentalement.
Et les résultats sont là depuis des décennies, puisque de nombreuses souches renommées sont issues d’élevages se situant et pâturant dans ces zones de marais.
« Des racines et des ailes »
Le mercredi 5 mai s’est réalisée la mise au marais de Selsoif à Saint-Sauveur-le-Vicomte bourgade native du célèbre écrivain Jules Barbey d’Aurévilly.
Sur les bords de la Douve sur une étendue de 63 hectares se sont retrouvés 177 animaux pour passer l’été et l’automne.
Une équipe de l’émission « Des Racines et des Ailes » a suivi les opérations et le lâchage des animaux.
Nul doute qu’ils ne seront pas présents au retour... Certaines années humides il a fallu récupérer les animaux immergés car dans la nuit, la montée des eaux a surpris tout le monde. Il n’est pas rare qu’un matin de bonne heure le garde vous appelle pour vous dire qu’il ne faut pas tarder à rapatrier les animaux. En effet dans le règlement il est stipulé que la date limite est le premier décembre, mais que cette date peut être avancée en raison des conditions climatiques.
Là encore, les souvenirs sont nombreux et épiques, car aller attraper des jeunes chevaux qui n’ont pas vu le licol depuis longtemps en plein marais entourés de zones d’eau, n’est pas une mince affaire. Il faut de la solidarité et de la convivialité entre éleveurs pour réussir l’opération retour. On déambule avec licols, cordes, seaux d’avoine, canne et les cuissardes sont les bienvenues car les bottes sont nettement insuffisantes.
Alors si vous voulez vous rendre compte de l’ambiance normande de la mise aux marais, rendez-vous devant votre petit écran sur France 3 le mercredi 19 mai à 20h30.
Claudie Blandamour
De tous temps, chaque famille possédait des droits. Elle pouvait mettre des bovins ou des chevaux pour la saison allant du 1er mai au 1er décembre si la météo le permettait…
Avec la diminution du nombre d’exploitations dans chaque commune et l’ère du productivisme, les habitants non éleveurs, détenteurs de droits mettaient en vente leurs cartes au profit des éleveurs hors communes. Chaque foyer détenait un nombre de cartes en fonction du nombre d’enfants.
Pour un bovin ou un cheval de moins de 2 ans il fallait deux cartes, pour un adulte, quatre cartes. Chacun réalisait donc la tournée des maisons, prenant le café, pour acheter le nombre de cartes suffisantes.
Et puis le temps est venu où l’on a supprimé les droits individuels en réduisant les impôts communaux. Dorénavant on achète ses places à la commune.
Mais aujourd’hui les conditions liées au chargement animal par hectare ont redonné une nouvelle jeunesse aux marais en donnant la possibilité aux éleveurs de soulager leurs terres durant la belle saison.
Ainsi dans les marais du canton à Crosville-sur-Douve, La Bonneville, Rauville-la-Place ou encore Saint Sauveur-le-Vicomte il y a déjà plusieurs semaines qu’il n’y plus de place.
Durant le mois d’avril on prépare les bêtes, les vétérinaires réalisent les castrations au moins quinze jours avant l’entrée, les vaccinations, la vermifugation et le maréchal passe pour le parage ou le déferrage car on ne les rattrapera pas de sitôt.
Marquage et anecdotes
La mise au marais prend une demi-journée durant laquelle chacun amène ses animaux. Autrefois à pied, aujourd’hui en bétaillères attelées aux tracteurs pour les bovins, en camion et vans pour les chevaux. Les routes d’accès étroites sont bien encombrées ce jour là !
Le garde-champêtre est présent avec sa forge. Il procède à la marque au fer rouge sur le sabot des chevaux et les cornes des bovins afin de les repérer. En effet si un animal passe le gué il peut tout à fait se retrouver dans le marais voisin avec d’autres congénères ayant une autre marque.
C’est vrai que « dans le temps » on n’avait ni boucle, ni puce électronique.
Pendant plus de six mois, les jeunes chevaux vont changer d’aspect. Leur identification peut entraîner quelques confusions. Une année le directeur du haras de Saint Lô, Guy Bideault, repéra une anomalie au cours du concours de 3 ans : la jument présentée n’était pas celle identifiée.
Figurez-vous que l’été précédent une jument fut retrouvée foudroyée par l’orage. Le garde appelle le propriétaire qui vient la reconnaître et la déclarer à l’assurance.
En fait il ne s’agissait pas de sa jument... Il la récupérera donc après le concours et dut rembourser l’assurance.
Autre cas, deux éleveurs se sont retrouvés convoqués à Saint Lô pour procéder à l’échange, là encore la réalisation du graphique avait mis en évidence l’erreur.
Même si cela semble inconcevable, dites-vous que les animaux sont vus chaque jour par le garde. Les propriétaires les plus éloignés (de la Hague au Mont Saint-Michel) ne viennent pas les voir souvent.
Et si vous leur rendez visite, vous serez entourés d’un troupeau content de voir un humain.
Le soir, entre chien et loup, le spectacle est unique avec le coucher de soleil, la brume au dessus des criques, les petits ponts de pierres et les passages toujours humides.
Attention si on ne connaît pas suffisamment les lieux on peut s’y perdre ou être obligé de se mouiller pour rentrer au plus court.
Les vertes prairies permettent aux chevaux d’évoluer en toute liberté. Ce sont leurs derniers mois tranquilles, avant de devoir découvrir le box et le travail. Le sol est souple ils peuvent galoper, des groupes se constituent, la nourriture est saine et on ne craint ni le parasitisme, ni les autres infections. Les chevaux s’endurcissent autant physiquement que mentalement.
Et les résultats sont là depuis des décennies, puisque de nombreuses souches renommées sont issues d’élevages se situant et pâturant dans ces zones de marais.
« Des racines et des ailes »
Le mercredi 5 mai s’est réalisée la mise au marais de Selsoif à Saint-Sauveur-le-Vicomte bourgade native du célèbre écrivain Jules Barbey d’Aurévilly.
Sur les bords de la Douve sur une étendue de 63 hectares se sont retrouvés 177 animaux pour passer l’été et l’automne.
Une équipe de l’émission « Des Racines et des Ailes » a suivi les opérations et le lâchage des animaux.
Nul doute qu’ils ne seront pas présents au retour... Certaines années humides il a fallu récupérer les animaux immergés car dans la nuit, la montée des eaux a surpris tout le monde. Il n’est pas rare qu’un matin de bonne heure le garde vous appelle pour vous dire qu’il ne faut pas tarder à rapatrier les animaux. En effet dans le règlement il est stipulé que la date limite est le premier décembre, mais que cette date peut être avancée en raison des conditions climatiques.
Là encore, les souvenirs sont nombreux et épiques, car aller attraper des jeunes chevaux qui n’ont pas vu le licol depuis longtemps en plein marais entourés de zones d’eau, n’est pas une mince affaire. Il faut de la solidarité et de la convivialité entre éleveurs pour réussir l’opération retour. On déambule avec licols, cordes, seaux d’avoine, canne et les cuissardes sont les bienvenues car les bottes sont nettement insuffisantes.
Alors si vous voulez vous rendre compte de l’ambiance normande de la mise aux marais, rendez-vous devant votre petit écran sur France 3 le mercredi 19 mai à 20h30.
Claudie Blandamour
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