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Richard Dick : « Avoir les meilleurs courants de sang »

Après avoir collaboré avec Bertrand Pignolet, qui a monté les chevaux du haras jusqu’en 2011, Richard Dick a restructuré le Haras d’Ick, en regroupant les chevaux chez lui et en s’assurant les services de Cédric Bellanger, un cavalier de 28 ans très ambitieux, dont le but est d’essayer d’atteindre le très haut niveau. Ça tombe bien, c’est également celui de Richard Dick, qui nous a accordé un long entretien. Photos 1 sur 3

Installé sur 100 hectares, à la limite de l’Eure et du Calvados, en plein cœur du pays d’Auge, le Haras d’Ick se répartit entre Saint-Sylvestre-de-Cormeilles, où sont installées les écuries, et Bonneville-la-Louvet, où pâturent les chevaux d’élevage. Après avoir investi dans les meilleures souches du Haras d’Elle, Richard Dick s’est tourné vers la génétique étrangère et s’est constitué un cheptel de poulinières à faire rêver tous les passionnés d’élevage. Par exemple : la propre sœur d’Arko III ; la propre sœur de Couleur Rubin ; une fille de Pialotta et Diamant de Semilly ; une fille de Chin Chin et de la propre sœur de Cassini ; une fille de la gagnante internationale Tabelle van Sombeke, elle-même mère de A Pikachu de Muze, trop tôt disparu, ou encore de Eurocommerce London, dont le nom semble prédestiné pour participer aux prochains JO avec Gerco Schröder ; la mère du crack A Big Boy, également sœur de Mylord Carthago ; la mère d’Urleven van de Helle (JO, Championnat du monde, Championnat d’Europe)…

Comment êtes-vous venu aux chevaux ?
Je montais depuis gamin, j’étais passionné, mais je n’avais jamais pu vraiment assouvir cette passion. Je suis originaire de Nice et, dans le Sud, je ne trouvais pas trop mon compte au niveau des chevaux. En 2002 j’ai connu Oriane, gérante du club de Mandelieu la Napoule, qui deviendra ma femme, et  nous sommes partis acheter trois 3 ans. Deux d’entre eux se sont révélés extrêmement qualiteux. C’est ce qui a été le déclencheur de cette aventure.

Comment est née la collaboration avec les Pignolet ?
Dans ce lot de 3 ans, il y avait une jument née au Haras d’Elle : Loupiote d’Elle (Royal Feu), élite à 4 ans et extrêmement prometteuse. Malheureusement, elle a eu beaucoup de problèmes de santé, a perdu un œil, mais c’était une top jument.
De là, je me suis rapproché des Pignolet chez qui j’avais acheté la jument par l’intermédiaire d’Alexandra Ledermann, qui fait partie des personnes compétentes qui m’ont bien aidé au début. Je me suis intéressé aux transferts d’embryon avec Loupiote. A l’époque, Jean-Pierre Ledermann n’était pas trop pour les transferts et il m’a conseillé de retourner chez les Pignolet et de chercher des souches chez eux pour élever.

Et vous vous êtes lancé dans l’élevage…
Nous avons tissé des liens avec les Pignolet et je me suis attaché, les premières années, à apprendre ce métier et à essayer d’analyser correctement l’élevage du Haras d’Elle pour savoir comment ils avaient réussi et bien connaître leurs lignées maternelles. De là, je me suis rendu compte qu’ils avaient surtout 4 juments qui avaient très bien produit et mon idée, c’était d’avoir ces souches en direct par le biais de filles performeuses sur ces courants de sang très actifs. J’ai tout d’abord acheté Milady d’Elle, la sœur Utérine de Flipper d’Elle, à 3 ans. Bertrand l’a amené jusqu’en Grand Prix 145.
Tout mon élevage est construit là dessus. Mon leitmotiv, c’est d’avoir les meilleurs courants de sang, mais la partie active des meilleures familles.

Mais vous avez également acheté des performers…
En parallèle à ça, du fait de cette amitié qui s’est créée avec les Pignolet, j’ai eu l’opportunité d’avoir un partenariat plus large avec le Haras d’Elle en achetant chez eux des chevaux qui devaient permettre d’atteindre le haut niveau, voire le très haut niveau, comme Magic d’Elle, Milady d’Elle, Marjolaine d’Elle (50%), Niagara d’Elle et Orphée d’Elle, qui ont été formés par Bertrand Pignolet.

Vous avez ensuite beaucoup investi à l’étranger…
Nous avons commencé à aller à l’étranger avec les chevaux, à faire les championnats du monde des jeunes chevaux à Lanaken. Donc là, je me suis ouvert un peu plus aux chevaux étrangers. Mais, la difficulté, c’est que je n’avais pas de réseau… donc je me suis attaché à construire des réseaux, comme je l’avais fait en France. Ça m’a permis d’appliquer exactement la même logique avec Joris de Brabander que j’avais fait chez les Pignolet. C’est à dire récupérer ses trois gros courants de sang avec des juments hyper actives en production, qui ont déjà donné des étalons et des gagnants.
Après, il y a eu la recherche sur l’Allemagne. Là, ça a été plus des coups ponctuels. Un coup dans le Oldenbourg où je suis allé acheter la propre sœur d’Arko et la propre sœur de Couleur Rubin, qui provient d’une des meilleures souches allemandes. J’ai ensuite commencé à travailler avec Jan Tops pour essayer de trouver des juments issues de la compétition. J’ai acheté d’abord China d’Ick, une fille de Chin Chin avec la propre sœur de Cassini. En même temps, j’ai acheté Cassandra, une fille de Cassini, et le fait d’avoir acheté ces chevaux m’a permis de recroiser Tops plusieurs fois et là, d’atteindre  mes objectifs qui étaient d’avoir des chevaux sur des juments qui étaient vraiment des grosses performeuses et j’ai eu ce coup fantastique de pouvoir avoir une fille de Pialotta. J’ai pas mal d’acquisitions assez rares, mais en terme de rareté, celle-là c’est ce qui se fait de mieux.
J’ai eu une chance incroyable car aujourd’hui, il n’y a que deux filles de Pialotta, j’en ai une et Tops a l’autre. C’est super.

Pourquoi avez-vous décidé de vous installer dans le Pays d’Auge ?
Venir ici était un choix stratégique, car le cœur de l’élevage se passe ici.
Au début, je faisais de l’élevage sans terres, chez les autres, mais je ne pouvais plus concevoir d’être éleveur sans le faire physiquement. Je participe aux différentes tâches du haras et, par exemple, tous les poulinages, c’est moi qui les fais. Je ne pourrais pas faire ça que sur le papier. Avant, j’avais pas mal de chevaux en pension à l’extérieur et, aujourd’hui, j’ai une vraie satisfaction de voir mes chevaux à la maison. Le premier aux écuries tous les matins, c’est moi. Je les nourris, je les vois, je les bichonne, et je ne pourrais pas concevoir de faire ce métier sans ça. Une semaine sans mes chevaux d’élevage, je suis malheureux.

Fin 2011 a vu l’arrivée de Cédric Bellanger au haras. Pourquoi ce choix ?
Aujourd’hui, nous recentrons complètement notre activité ici. On veut faire un maximum de choses en interne. Il y a plusieurs raisons : des raisons sentimentales, car ça nous fait plaisir d’avoir nos chevaux ici ; des raisons économiques, parce qu’à un moment donné, tu ne peux pas avoir 10 ou 15 chevaux en pension à droite et à gauche. C’est absolument ingérable en terme de coût.
C’est la raison pour laquelle j’ai voulu avoir un top cavalier au haras. L’arrivée de Cédric Bellanger fait partie d’une évolution. Cédric a un statut d’indépendant, mais il travaille exclusivement pour moi. Il est là pour performer en sport et développer le commerce.
Je pense que c’est quelqu’un qui d’abord est excellent sur le plan sportif, qui est très compétitif et gagneur. Ce qui va compter, c’est l’alchimie qui va se créer entre nous et ça a l’air de bien démarrer, tant au niveau des résultats qu’au niveau humain, et je pense que ça va fonctionner.
C’est quelqu’un d’extrêmement ambitieux, qui veut toujours aller de l’avant. l a du caractère, ce qui peut déplaire à certains, mais je pense que pour aller à haut niveau, il faut le génie, le travail  mais aussi la niaque et il a les trois.

Vous avez quatre étalons qui font la monte au Haras. Est-ce une activité que vous comptez développer ?
Magic et Niagara sont étalons. A la base, ce n’était pas spécialement le côté étalons qui m’intéressait. Ce qui m’intéressait, c’était d’avoir des chevaux qui allaient être des performers. Il se trouve qu’ils sont étalons et il se trouve que Niagara semble particulièrement bien produire. Il est aujourd’hui le meilleur fils de Quick Star à  la reproduction en IAR/IAC en  France. Les Pignolet font 5 ou 6 saillies de Niagara chaque année et y croient beaucoup. Je ne suis pas étalonnier et je n’ai pas spécialement cherché à développer la carrière d’étalon de Niagara ni à y mettre toutes mes juments, mais il se trouve qu’il produit de magnifiques poulains.
Maintenant, je l’utilise pas mal (4 juments pleines de Niagara) parce que c’est vraiment un cheval que j’aime bien, mais il faut quand même le faire avec parcimonie ; Magic, c’est pareil, j’ai quelques produits de lui, dont un qui je pense tournera à haut niveau.

Pourtant, vous comptez créer une station de monte…
En capitalisant, j’ai quand même une visibilité au niveau des étalons. Cette année, j’ai Unik d’Ick (Niagara d’Elle x Cassini I) qui a été l’un des meilleurs lors du testage, ensuite Very d’Ick (Arko et Qerly Chin), puis un Cumano x Chin Chin sur la propre sœur de Cassini et j’ai un Stakkato avec Fein Cera. Normalement, à moins d’accident, je dois sortir au moins un étalon par an avec des papiers extraordinaires.
C’est aussi pour ça qu’aujourd’hui, je me suis dit qu’il fallait créer une station de monte, ce qui va être réalisé prochainement. Là, je viens d’embaucher une ancienne des HN, Caroline Nicolas, qui va s’occuper de toute la partie insémination de mes juments et récolte de mes étalons.

Le Haras d’Ick devient donc une véritable entreprise…
J’ai investi beaucoup et je veux en faire une entreprise sportive. Par exemple, si je fais le parallèle avec mon frère, Jean-Pierre, avec ses bateaux, il ne s’est pas enrichi, ce n’est pas pour ça qu’il perd de l’argent. Il est allé au bout de sa passion, au bout de ce qu’il aime. En 2011, il est vainqueur du tour du monde, vainqueur de la Transat Jacques Vabre et a été élu marin de l’année. Il est allé au bout de son truc. Avec les chevaux, je veux faire un peu pareil. Mon objectif, qui je pense est extrêmement ambitieux, est de pouvoir faire naître un cheval et amener ce cheval jusqu’au plus haut niveau. Mon approche globale, c’est de dire que si on fait de la qualité, un jour ça doit payer…

Propos recueillis par Marc Verrier
19/01/2012

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