Lyon : Deusser résiste et gagne
Après les passages fautifs de Kévin Staut et Simon Delestre, les chances tricolores se reportaient alors sur l’homme fort du clan français : Patrice Delaveau. Il venait à Lyon avec Lacrimoso HDC, le prometteur jeune étalon, confiant en ses capacités à gérer la Coupe du Monde sur 4 jours d’épreuves. Il ne s’était pas trompé. L’espoir de 10 ans confirmait tout le bien qu’on pensait de lui et sortait sans-faute dans les 2 manches avec facilité. Au terme de l’épreuve, avant la finale de lundi, il se retrouvait en tête du classement ex-aequo avec le couple olympique Steve Guerdat et Nino des Buissonnets. Le Jurassien, connu pour son franc-parler n’a pas manqué en conférence de presse d’exprimer son étonnement quant à la non-décision de réduire le chrono, faisant ressembler ce barrage à une 2e manche. Et d’affirmer face au représentant de la FEI, « C’est le chef de piste qui connaît son travail, c’est lui qui doit avoir le dernier mot sur ces choix. »

Maudite finale ! 

Coup de théâtre alors que le Français ne pouvait être mieux positionné pour disputer les deux manches de la finale du lundi, on apprenait le dimanche matin que Lacrimoso 3 HDC ne passait pas la visite vétérinaire. Le cheval ne trottait pas de façon régulière et semblait souffrir d’une atteinte. Décision était alors prise par le cavalier, les propriétaires, le couple Perron-Pette et l’équipe vétérinaire d’arrêter immédiatement la compétition et de programmer des examens complémentaires. Un choix difficile mais salué par tous, Philippe Guerdat en premier lieu : « Lacrimoso est un cheval d’avenir, la priorité est de préserver son intégrité physique. Bien sûr, on a passé une mauvaise nuit, c’est décevant à 24 h de la finale, mais c’est la bonne décision ». Et en effet, on apprenait mercredi dans un communiqué fédéral que le cheval présentait « une lésion à un suspenseur révélée grâce à une IRM. »

Autre surprise, la non-présentation du vainqueur de l’épreuve du samedi soir, l’Américain Kent Farrington et de son Voyeur. Pourtant classé 10e à l’issue de l’épreuve et possédant de réelles chances de briller en finale. De même Billy Twomey et sa Tinka’s Serenade agée de 17 ans, jetaient l’éponge. Trois désistements qui ouvraient encore un peu plus la voie pour des cavaliers surmotivés. Steve Guerdat en tête avec un score vierge qui signait un parcours extraordinaire de détermination et fort acrobatique dans l’acte 2. Il faut dire que le palmarès du champion olympique est à la fois remarquable et frustrant pour un champion de sa catégorie. Sept fois qualifié en finale Coupe du Monde, il a accédé à trois reprises au podium et il est six fois classé dans le top 8. Déjà monté sur la 2e marche du podium en 2012 et 2013, l’heure de la revanche semblait sonner. En embuscade se tenaient quatre Allemands, Ludger Beerbaum, Marco Kutscher, Daniel Deusser et Christian Ahlmann, le numéro 1 mondial Scott Brash et la tenante du titre Beezie Madden repartaient dans l’arène avec 2 à 5 points au compteur. Autant dire que rien n’était encore joué.

Une démonstration à la Deusser

Pas de doute, ni de demi-mesure en découvrant la 1re manche de la Finale, le chef de piste a multiplié les difficultés : oxer sur bidet, palanques blanches, deux doubles et un triple alignant oxer-droit-oxer très larges, la pression était palpable et dès les premiers passages, il était évident qu’il fallait du rythme et de la vitesse pour espérer en sortir. Et c’est devant des tribunes enfin pleines que les 27 couples qualifiés se sont élancés.

Souvent méconnus du circuit européen, les Américains ont fait sensation. En particulier Lucy Davis et son fils de For Pleasure, Barron qui font une superbe finale avec une barre au 1er round et sans-faute au 2e et surtout la jeune Katherine Dinan et son petit alezan, Nougat du Vallet, fils de Sherif d’Elle, véritable chat bondissant au-dessus des barres. Elle signera un des rares sans-faute au même titre que l’Egyptien Nayel Nassar et son Lordan de 10 ans seulement. Parmi les favoris, c’est la désillusion pour Kévin Staut et Silvana. On espérait l’exploit dont on sait le couple capable même s’il s’élançait avec 16 points au compteur. Mais le miracle n’aura pas lieu, la jument grise faute à deux reprises. « L’épreuve de samedi où Silvana fait un refus et faute à deux reprises à forcément laissé des traces sur la confiance. » a expliqué le cavalier. « J’ai dû la monter avec plus de pression ». Et Philippe Guerdat d’ajouter. « Nous pensions être préparés au mieux mais peut-être a-t-elle fait un ou deux concours de trop. Elle a 15 ans, on ne peut pas rien lui reprocher. » Pour Simon Delestre et Valentino Velvet, ce sera 13 points sur la piste dont l’entraîneur dira : « Le cheval est encore en apprentissage à ce niveau. » Après cette désillusion, les Français ne repartiront pas en 2e manche, et ils ne seront pas les seuls.

Pression et sensations en 2e manche

Seuls 20 couples dont 6 sans-faute s’affronteraient. Un 2e round tout aussi difficile, notamment à cause de son triple qui alignait cette fois droit-oxer-droit très délicat à aborder, les chevaux semblant aspirés par la première barre. Parmi les prétendants au podium, 9 couples présentaient de réelles chances. Parmi eux, la tenante du titre Beezie Madden et son puissant Simon mais avec une barre en finale elle accrochera la 7e place. Maikel Van Der Vleuten et son Verdi repartaient avec un petit point de pénalité, malheureusement pour le jeune Néerlandais une faute le relèguera à la 6e place. Impressionnant et déconcertant de facilité l’étalon Cornado NRW et le pilote allemand Marcus Ehning ne toucheront pas une barre en finale. Avec un total de six points de pénalités, ils accrochent la 4e place, et surtout ont révélé au monde du CSO qu’ils sont définitivement au-dessus du lot. Le quartet de tête avait de quoi faire rêver. Et si dans les coulisses, Steve Guerdat semblait bel et bien favori, il n’aurait pas fallu oublier trop vite le Kaiser allemand qui avec Chiara, décidément une très bonne élève, signe un double sans-faute et monte sur la 2e marche du podium. Un exploit, alors même que celui qui a déjà accroché ce titre en 1993 ne savait pas il y a une semaine qu’il participerait ! « J’étais le dernier repêché (suite au forfait du Français Roger-Yves Bost). J’étais déjà en train de préparer mes chevaux pour la saison en extérieur. J’ai rappliqué à Lyon avec mes deux chevaux et je termine second… Mais c’est comme une victoire pour moi ! »

Lorsque Nino des Buissonnets entre sur la piste, Steve Guerdat n’a qu’une chose à faire, un sans-faute pour atteindre son objectif. Malheureusement pour le Suisse, le fils de Kannan, toujours impressionnant sur les barres mais un peu chaud, fautera à l’entrée du triple, le reléguant à la 5e place. En embuscade depuis le début, le numéro 1 mondial Scoot Brash et sa jument écossaise Ursula XII signent un double sans-faute remarquable, et avec 5 points totalisés, ils montent sur la 3e marche du podium. Une place qui a ravi le jeune Britannique dont c’était la première participation à la Finale Coupe du Monde : « C’est pour moi une vraie satisfaction de pouvoir offrir ce podium à mon pays. Ma jument, Ursula, a fait une petite faute le premier jour, mais ensuite elle a enchaîné les sans-faute et je suis ravi de ce résultat. Après la faute de vendredi, je pensais vraiment que le podium serait inaccessible, donc je n’ai vraiment rien à regretter. » En effet !

A l’heure du passage du dernier partant, on savait que le titre serait allemand, mais qui ? Avec 2 points de pénalités, Daniel Deusser, 32 ans, et déjà vainqueur du Top Ten à Paris, n’avait pas droit à une barre. Allait-il tenir la pression ? Il confiera d’ailleurs après l’épreuve : « J’avoue que je ne faisais pas le fier en entrant en piste. J’avais bien mesuré l’enjeu, je devais rester concentré à 100 % et j’étais un brin nerveux. » Mais la qualité de son équitation, ses nerfs d’acier et le calme de son Cornet d’Amour, véritable métronome sont venus à bout du parcours malgré une petit frayeur sur l’obstacle numéro 1. Une « touchette » qui a finalement « réveillé » le bel étalon gris fils de Cornet Obolensky qui déroule une partition parfaite. Une victoire qui positionne encore un peu plus les Allemands en pôle position pour les JEM à venir. D’autant que Stephan Conter, propriétaire des écuries Stephex et du cheval a réaffirmé comme à Paris que « Cornet d’Amour restera dans le piquet de Daniel ». Ils repartent de Lyon avec un chèque de 172 500 euros. De quoi satisfaire un Daniel Deusser, heureux mais fatigué : «  C’est une journée magnifique mais je suis soulagé que cette semaine se termine ! »

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